Nouaisons
Précédé de Trop tôt… Suivi de … Trop tard
Louise Gauthier
Conclusion pour l’été
Dame de cœur je veux que tu écrives son histoire. C’est un mal absolument nécessaire!
Pourquoi et pourquoi moi?
Parce que c’est important. Tu l’as connu toi aussi autant que chacun d’entre nous. C’est bien peu mais à ma connaissance toi seule peut pousser au-delà malgré ces faméliques parcelles de savoir. Et d’autant plus que tu en as divulgué des bribes d’ores et déjà…
Réalises-tu vraiment ce que tu me demandes?
Tu devras endosser sa peau en quelque sorte…
Bien plus que cela… Je devrai m’engager à fond dans une espèce de symbiose parasitaire avec un personnage qui s’autocrée sans que je ne puisse intervenir de quelque façon que ce soit ni même arrêter le processus une fois mis en route. Et surtout qui s’autodétruit… Vivre et mourir empathiquement; cela laisse des séquelles.
Je compatis sincèrement à ton problème existentiel mais… Si l’histoire de Frédéric faisait comprendre ne serait-ce qu’à un seul père ou une seule mère qu’aimer se conjugue avec accepter et permet ainsi d’éviter une autre tragédie cela aura valu grandement la souffrance que tu éprouveras à l’écrire…
Je ne connais pas tous les dessous de l’affaire : je manque donc du carburant nécessaire pour amorcer…
J’ai recensé et rassemblé maints renseignements qui pourront t’alimenter. Une pile d’articles et de photos découpés dans divers journaux à scandales et dans d’autres soi-disant sérieux. L’un des jeunes qui a été agressé est nanti d’un paternel politicien de droite de renom et la plus belle coïncidence c’est que l’un des agresseurs est le fils d’un grand chef syndical! Toutes ces têtes couronnées impliquées ça a fait pleuvoir de l’encre.
Ce n’est pas suffisant et de loin! Bien plus que des données factuelles me sont nécessaires puisque celles-ci ne constituent qu’un intérêt secondaire eu égard aux éléments humains…
Pour les prémisses et les suites je dispose d’autres informations fournies obligeamment par le benjamin de Frédéric à l’insu des parents. Alexandre en idéaliste est convaincu que c’est nécessaire d’en parler pour que jamais plus de telles choses n’arrivent!
Tu as muri ton projet de longue date!
En jouant le rôle du tenace docteur Watson au service de l’ineffable Sherlock Holmes ainsi qu’à l’aide de mon intuition phénoménale et de la chance j’ai également en faisant de subtils recoupements d’entrefilets parus quelques jours plus loin dans le temps que la fin j’ai retrouvé le mystérieux Maximilien. C’est un prénom relativement peu courant. Son patronyme figurait dans une rubrique de « faits d’automne ».
Qu’est-ce à dire?
Il a passé une nuit particulièrement froide pour la saison (m’a-t-il avoué en toussant encore de sa récente pneumonie doublée d’une pleurésie) revêtu en tout et pour tout de chaussettes (celles oubliées par Frédéric m’a-t-il appris quand je l’ai rencontré) recroquevillé sur une tombe (celle de Fred et j’ai pris soin de vérifier avec lui à l’endroit même). Alertés par une vieille habituée du cimetière les policiers l’ont plutot rudement ramassé; il avait disjoncté et on l’a hospitalisé. Je lui ai rendu visite en ces lieux une première fois. J’ai récidivé lorsqu’il a été de retour dans son « chateau » (j’ai obtenu les coordonnées de son lieu de résidence « secondaire » en interrogeant un patient de l’hôpital). J’ai enregistré avec sa permission bien sûr ce qu’il m’a raconté avec force détails plutôt scabreux dans une de ses périodes dites de lucidité médicamentée où il prend contact avec cet autre univers qui est le nôtre…
Je ne comprends strictement rien à ces élucubrations! Que veux-tu prouver au juste?
Maximilien est schizophrène. Il habite la plupart du temps un lieu imaginaire qui lui est unique et celui-là est beau… Il m’a laissé un message à ton intention (au début je lui avais évidemment expliqué en long et en large et en profondeur l’objet de mon intrusion dans sa vie) : « Dis à ta dame de cœur que dans mon monde Frédéric est vivant et heureux. »
J’écrirai l’histoire mais avec ton aide et tes souvenirs en sus.
Et je serai là aussi pour te ramasser à la petite cuillère…
Roi soleil.