Deux étés irlandais
Louise Gauthier
Montréal, Grosse-Île et autres lieux, 1998
Lundi 13 juillet
Thomas frappe à la porte quelques coups timides.
Vous êtes en avance. Mais entrez, je me sens fin prêt à entamer une nouvelle matinée du bon pied : commençons donc tout de suite.
La mine allongée fait sourire le professeur.
Je vous taquinais Thomas. Venez, assoyons-nous et causons de vos fort légitimes préoccupations.
Thomas prépare du thé et ils s’attablent.
Je nage en zone grisâtre…
Cela m’apparait étonnant…
Enfin, je veux dire que je comprends très bien son cheminement émotif, étant donné ma nature… hermaphrodite.
Oh! Je ne me serais jamais permis la moindre allusion à votre intimité! Je songeais à vos facultés intellectuelles, à votre matière grise!
… Je rajuste mon diapason. Cela semble évident que Riain Lynch a éprouvé le besoin de confier à son alter ego de papier, non ce qu’il connaissait parfaitement mais ses états d’âme puisque ses références sociales et son existence antérieure ne pouvaient pas l’aider à appréhender ces bouleversements intérieurs intimes. Ce faisant, moi lecteur du presque vingt et unième siècle je ne comprends pas une partie pourtant cruciale de son existence en ce sens qu’elle implique des incidences certaines sur sa vie. Je connais des faits bruts sur l’histoire, je peux rassembler les statistiques les plus diverses, écumer les journaux et les archives de l’époque mais cela des historiens s’y sont attelés et ceci beaucoup mieux que je ne saurais le faire. D’une certaine façon, l’essentiel a été dit, écrit ou en passe de l’être sur Grosse-Île et la tragédie de 1847. Bien sûr je compte me rendre sur place au mois d’aout probablement si cela s’avère possible et je suivrai la visite guidée parmi la horde de touristes… J’ai l’impression que je ne comprendrai guère plus!
Vous oubliez le contexte. C’est à désespérer!
Mais non j’y venais! J’ai l’intention d’effectuer des recherches sur la médecine telle qu’on la pratiquait alors, sur le typhus, sur la société québécoise et sur la vie quotidienne à l’époque. Et caetera. Cependant je sens que tout ceci m’apportera une vision encore incomplète. C’est pourquoi je nage en zone grisâtre…
Le professeur s’accorde quelques minutes de réflexion.
Voici mon conseil : allez sur les lieux bien sûr, absorber toutes les informations que vous pourrez glaner ici et là mais ajoutez-y une autre dimension : trouvez le responsable du site, un quelconque organisme, fédéral probablement, et écrivez-lui; expliquez votre situation, votre héritage, ce que vous cherchez aussi bizarrement que cela puisse paraitre puisque l’on pourrait résumer votre quête à une atmosphère. En tout cas cela m’apparait une excellente entrée en matière. Vous verrez bien ce qu’on vous répondra et ce qui en émergera.
Vous avez du génie!
Mais non seulement de l’expérience! Cela m’est arrivé d’effectuer de telles démarches intuitives lesquelles se sont avérées par la suite fructueuses sous tous rapports. Je souhaiterais que vous me fassiez part de toutes vos découvertes… Mettons-nous au travail maintenant.
Ils ne s’arrêtent que trois heures plus tard à la demande de l’assistant, la langue pendante.
Dinerez-vous en ma compagnie?
Volontiers professeur.
Thomas choisit une lasagne mais réchauffe d’abord pour son vis-à-vis du poulet au citron.
Un léger détail me tarabuste Thomas… Que contenait ce fameux biscuit que j’ai mangé par inadvertance
… Du cannabis.
Le professeur rit.
Elle est bien bonne celle-là! … Cette expérience a été agréable… Les rêves surtout… Rassurez votre charmante mère : je n’en suis point outré et ma foi je ne détesterais pas la répéter, quoiqu’en moindre quantité!
… Cela lui enlèvera une épine au pied, c’est certain!
Tant mieux. Ce séjour a été merveilleux sous bien des aspects… Votre ami m’apparait comme un jeune homme très courageux malgré l’adversité…
Il l’est mais cela il l’ignore.
C’est là justement le vrai courage… Hormis l’enseignement de l’erse, quelles sont ses occupations quand la maladie lui en laisse la possibilité? Oh! Pardonnez-moi je suis bien trop curieux, voire indiscret!
Cíaran est un aède… Une grande partie de sa vie aussi, il la passe avec des personnes… esseulées… comme homme de compagnie d’une certaine façon.
Comme c’est intéressant! Quel être complexe… Mais je m’égare…
Le professeur se lève vivement pour débarrasser. Thomas lui emboite le pas.
Je trouve que vous réalisez des merveilles avec la matière brute que je vous assène. Sans votre apport je ne saurais réaliser quoi que ce soit.
Je vous remercie professeur.
Souhaitez-vous continuer Thomas? Je comprendrai si…
N’en doutez jamais. Ce que nous faisons me passionne. Certes, vous êtes exigeant : quand je sors d’une semaine de travail j’ai l’impression d’avoir été lessivé mais quel défi intellectuel que de vous suivre, Et de baliser ensuite le rebours!
Le résultat de notre collaboration est remarquable. C’est à moi de vous remercier de concrétiser ainsi l’oeuvre d’une vie… Ne soyez pas embarrassé Thomas par ce qui n’est que l’expression de la vérité.
Vous avez raison, professeur. Vous êtes un homme sage.
Oh non, si peu en fait! Avec l’âge, je me rends compte que les certitudes n’existent que pour aveugler. Sur ces bonnes paroles, allez en paix.
Avant de partir Thomas s’occupe de la vaisselle et des ordures ménagères.
En cours de route Thomas gare sa voiture le long d’un trottoir après avoir vérifié l’autorisation municipale. Il rejoint Hugh à son bureau.
Tu disposes de cinq minutes.
Quelques conseils pour faciliter mes démarches concernant l’achat d’une fourgonnette.
Un, achète un guide qui te permettra d’effectuer un choix éclairé en tenant compte de tes besoins. Deux, magasine chez au moins un quartette de concessionnaires. Trois, prends rendez-vous avec monsieur Rosen et fais-lui part de tes desiderata. Quatre, décide comment tu disposeras de Rossinante. Cinq, occupe-toi des assurances et de l’immatriculation. Six, viens souper avec nous jeudi.
D’accord. Les coordonnées de l’expert en finances?
Hugh les lui fournit. Thomas raccroche l’air un peu sonné. Courageusement, il s’attelle à la tâche en commençant par un arrêt à la librairie Renaud-Bray. Il emploie son après-midi au bien nommé Café Réflexion à consulter la volumineuse référence et à déterminer lequel des divers modèles lui conviendrait le mieux ceci après avoir établi, au préalable et sur un feuillet la liste de ses exigences. Il contacte le pro du portefeuille à seize heures et planifie une rencontre pour le surlendemain. Il rejoint ensuite Lori à l’université. Elle l’invite à se joindre à sa solitude mais le lendemain seulement. Il travaille quelque temps avant de rentrer les traits tirés vers dix-neuf heures.
Cíaran le regarde par en dessous.
Qu’est-ce qui t’arrive?
Je suis fatigué. C’est un droit inaliénable que de l’être!
Cíaran lève les bras en signe d’apaisement.
As-tu soupé?
Thomas fait signe que non.
Alors viens, je te prépare quelque chose à manger.
Thomas suit le sillage du fauteuil et s’affale sur une chaise. Cíaran apprête deux sandwichs à la viande fumée et moutarde forte, ajoute quelques cornichons dans l’assiette et lui sert le tout accompagné d’un jus de légumes. Son frugal repas terminé, Thomas soupire de soulagement.
Merci mon amour. Excuse-moi.
Cíaran hausse les épaules. Il débarrasse la table de ses reliefs et fait la vaisselle. Thomas l’observe sans mot dire. Cíaran se dirige ensuite vers la salle de bain. Thomas ferme les yeux et appuie sa tête contre le mur. Il s’endort. Cíaran caresse le revers de la main de son ami.
Viens, je t’ai fait couler un bain.
Cíaran l’aide à se déshabiller. Thomas s’immerge. Le laissant macérer et tant bien que mal Cíaran procède à sa propre toilette. Il réussit un rasage presque impeccable. Thomas s’est endormi de nouveau. Maladroitement Cíaran masse les épaules de son amour. Thomas ouvre les yeux et penche la tête vers l’arrière jusqu’à rencontrer ceux de Cíaran.
Ce que j’ai envie de faire, c’est de t’assécher et te porter jusqu’à notre lit…
Prends tes désirs pour des réalités.
Thomas émerge de l’onde après avoir enlevé la bonde. Cíaran éponge tendrement le corps de son amant.
Pour la deuxième partie, par contre…
Thomas s’installe sur ses cuisses.
Comme tu es lourd! Heureusement que je suis motorisé!
Ils gagnent ainsi la chambre et transitent au lit. Thomas se blottit dans les bras de Cíaran.
Acceptes-tu que je te prenne mon amour?
Thomas donne son accord en se tournant sur le ventre. Il s’abandonne entièrement aux tendres assauts virils. Ils convergent à l’unisson vers l’aboutissement du désir charnel.
Mardi 14 juillet
La voix tremblante et alarmée fuse de la salle de bain.
Qui est-ce?
Rien que ton adorateur ô déesse. Tu as omis de verrouiller. Te trouves-tu immergée?
Je refuse d’en sortir! Il fait trop chaud!
Appelle-moi quand tu auras besoin d’un camériste ou d’un tapis : j’ai quelques petites choses à terminer.
Thomas s’affaire. Dix minutes lui suffisent pour déballer, installer et remplir les réservoirs du climatiseur portatif. Et autant avant que sa seconde fonction ne soit réclamée.
Bizarre, j’ai l’impression qu’il fait très froid tout d’un coup!
Oups. Je reviens tout de suite.
Passant outre Lori ceint ses reins d’un drap et le suit. Thomas s’agenouille et effectue quelques réglages.
Je me suis offert un cadeau… Serais-tu assez gentille pour le conserver chez toi? Bien sûr ne te sens pas obligée de ne l’employer que lorsque je suis là…
Lori le rejoint sur le sol. Elle place ses bras en collier autour du cou de son ami.
C’est vrai que j’ai l’orgueil mal placé. Et je sais que je te chagrine en me posant en rabat-joie devant tous les élans du coeur dès qu’il est question de sous. Je suis désolée Thomas, c’est profondément ancré en moi… Mais ujourd’hui j’accepte ton présent démesuré… Je suis en train de capoter avec cette chaleur. Mais l’objet demeure ton bien; toutefois je te jure d’en profiter au maximum et sans culpabilité aucune.
Thomas s’assoit en tailleur et Lori adopte la même posture. Leurs genoux et mains gardent contact.
Ma mère m’a raconté qu’à Calcutta, où elle a séjourné plusieurs semaines, le mercure peut facilement atteindre 42 o C à l’ombre. Un petit 32 o C au soleil et je me porte mal! Quelle sorte d’Indienne suis-je? Et sans aucune espèce de teinture culturelle! De cette race, je ne possède que le patronyme, la couleur de peau et la chevelure! Ma blonde et blanche maman en connait davantage que moi sur les moeurs du pays!
Peut-être est-ce le temps que tu entreprennes des recherches sur tes racines. Un savoir même livresque pourrait t’aider au début du moins : tradition, religion, philosophie… Kama Sutra aussi.
Obsédé poète! Mais tu as raison. Je crois que cela me manque pour comprendre la moitié de moi-même… plus que je ne le croyais à vrai dire.
Lori s’enferme un moment dans ses réflexions. Thomas attend que le regard d’outremer lui revienne.
Je voudrais te faire part d’une autre requête… Demain je règle les derniers détails de l’achat d’une fourgonnette, beaucoup plus pratique pour nos déplacements en nombre et en charge… Je répugne à mettre à la fourrière ma fidèle Rossinante, laquelle a appartenu à mon père. Elle est encore en bon état, et avec toi, elle resterait dans la famille ou presque jusqu’à la fin de sa vie… Une sorte d’usufruit en quelque sorte.
Présentée de cette façon… D’accord mon amour, je prendrai soin de ta bagnole… Ce soir tu me fais boire la coupe jusqu’à la lie! J’ai nettement l’impression que je dois aplanir certains angles aigus de ma personnalité! Je te vois sur ton quant-à-soi! … Thomas… n’aie pas peur de moi. Avance pied à pied tes arguments. Parfois je me trouve incapable de réfléchir sur le coup mais ensuite je parviens à rationaliser. Juste laisser passer l’orage.
Je ne veux tellement pas te heurter!
… Tu y parviens de toutes les manières simplement parce que je suis hypersensible : ce que tu tais, je le ressens et cela me fait encore plus mal! C’est juste mes façons d’être et de fonctionner les plus difficilement gouvernables. Tu ne dois surtout pas te faire de mouron à ce sujet et patienter un peu.
Lori plonge son regard dans celui de Thomas. Il frémit perceptiblement.
Baise-moi mon amour. J’ai envie de me donner tout à toi.
Lori dénoue l’étoffe et se couche sur le dos, cuisses écartées et bras tendus. L’appel de la femme à l’homme. Thomas réagit au quart de tour et aussitôt dénudé la comble. Ils s’accouplent avec une tendresse jamais atteinte auparavant. Presque au point de non-retour Thomas murmure.
Prends-moi maintenant : j’en ai besoin pour jouir.
Il fait porter son poids sur ses coudes. Elle ondule sous lui. Thomas se met à gémir puis à crier. Son prénom, son amour pour elle. Puis, il se tait, se laisse emporter par le plaisir de tous ses sens.
Thomas!
Il s’écrase sur elle et la serre à l’étouffer, le nez enfoui dans son cou.
Jeudi 16 juillet
Thomas klaxonne devant la porte d’entrée. Michelle et Hugh sortent admirer la nouvelle acquisition, une Jeep Grand Cherokee de l’américaine Chrysler, de couleur bordeaux avec sur les flancs, un trio de fins lisérés d’un rose délicat. Thomas énumère, aussi bien qu’un vendeur professionnel toutes les caractéristiques du véhicule. Hugh fixe longuement les trois bandes colorées.
Une commande spéciale et couteuse sans doute…
Comment as-tu deviné?
… Cette fourgonnette constitue un excellent choix, fils…
Et je trouve que ton ajout esthétique fait un très bel effet Thomas.
Thomas retire une grande enveloppe par la fenêtre du coté passager.
Monsieur Rosen m’a confié ceci « à remettre à votre père en mains propres ». Le sont-elles?
Le pli transite de l’estafette au rieur propriétaire. Michelle, rentrée entre-temps pour s’occuper des préparatifs de dernière minute, les hèle. Thomas se précipite mais Hugh le retient.
Si tu coupais le moteur et éteignais les phares auparavant?
Une odorante paella aux fruits de mer trone au centre de la table. Ils se servent, Thomas plus généreusement que les deux autres.
C’est vraiment très bon maman!
Le mérite est pour moi cette fois!
… Et bien, bravo! Je ne te connaissais pas de tels talents culinaires!
Oh, c’est très facile à réaliser, veux-tu ma recette?
Je la prendrai en note tantôt.
Pas besoin : tu n’as qu’à suivre le mode d’emploi inscrit et illustré en plus sur l’emballage. Et à la suggestion de ta mère rajouter au moins, une tasse de bestioles marines congelées comme les autres.
Je suis confondu.
Ils sont pris de fou rire. Les panses remplies Thomas allume une cigarette, imité en cela par Hugh sous le regard désapprobateur de Michelle.
Je sais. Mais une fois n’est pas coutume!
Cela le devient quand tu fumes après tous les repas depuis dimanche!
Tu as raison. Je ferai davantage attention. Ou mieux, à l’occasion.
Il fait des rimes!
Hugh sert le café et la salade de fruit « ma recette secrète ».
Thomas je compte entreprendre des rénovations majeures à la maison et pour ce faire j’ai besoin de connaitre tes projets d’avenir à échéance médiane ainsi qu’obtenir ton accord quant aux frais encourus.
Mais cette demeure vous appartient! Vous en disposez comme bon vous semble! Pour moi c’est très clair! Et mes visions du futur sont simples : épouser Lori et Cíaran et faire des bébés.
C’est après que le plaisir commence…
Fonder une famille, donc. Et où giterez-vous?
Je n’y ai pas encore pensé, enfin nous… On trouvera bien.
Le troisième étage de ta maison est vaste et se trouve désaffecté depuis que ta grand-mère n’a plus été en mesure de recevoir, soit depuis une décennie.
Cíaran est handicapé.
Un ascenseur central pourrait prendre racine au sous-sol et s’élever jusque dans la tourelle. Une entrée privée pourvue d’une rampe d’accès et située à l’arrière assurerait votre intimité et préserverait la nôtre.
… Laisse-moi y réfléchir.
Thomas grimpe quatre à quatre les deux escaliers et se promène longuement dans les pièces vides ou à demi. Hugh et Michelle l’attendent au salon durant une demi-heure.
Je vois que la machine à rêves s’est enclenchée…
… Peut-être que mon plus cher désir ne se réalisera pas… Je préfère ne pas y songer puisque cela fait trop mal… De toutes les façons je viendrai y habiter, seul ou avec mes amours.
As-tu pensé à des aménagements, fils?
Une tonne. Tel qu’abattre la cloison entre les deux pièces donnant sur l’arrière; ce serait notre chambre à coucher : elle doit donc être assez vaste pour contenir le très grand lit plus une salle d’eau adjacente non fermée et avec une très grande baignoire pouvant accueillir… quatre personnes aisément.
« Quatre »?
Oui maman, incluant Nuala de temps en temps. Les quatre pièces en enfilade de part et d’autre du couloir pourraient rester telles qu’elles sont actuellement; ce serait nos isoloirs; les deux du centre pourraient devenir des chambres d’enfant; et si nous en avons un troisième, j’installerai mon quartier général dans la tourelle, laquelle constituerait également une salle de jeu ou un coin lecture superbe. Les pièces en façade pourraient convenir pour une cuisine moderne, une salle à manger pour huit, ceci pour les deux tiers; l’autre constituerait une salle de bain assez vaste pour contenir la buanderie. Ah, oui, les planchers de bois seraient à refaire; je préférerais plutôt un revêtement qui atténue le bruit, antidérapant et sur lequel ce serait facile de se déplacer en chaise roulante. Enfin, tout l’aménagement intérieur devrait être repensé pour faciliter l’accès : seuils inclinés, rampes d’appuis et tutti quanti… Est-ce que tout cela couterait très cher?
Quel flot onirique!
Hugh prend le temps de réfléchir. Thomas se suspend aux lèvres de son père.
Dans les cinq chiffres élevés grossièrement estimés mais les frais peuvent être amortis sur un certain nombre d’années. Une chose est certaine néanmoins, l’achat d’une maison neuve correspondant à tes exigences s’avérerait autrement plus onéreux. Tu devras ajouter également des travaux sur la toiture, en plus de la peinture.
Nous nous en occuperons.
N’est-ce pas un peu trop présumer?
Mais non maman. D’une certaine façon, j’imposerais le cadre. C’est la moindre des choses que nous l’emménagions en conciliant nos gouts très divergents… On pourrait peindre tout en blanc au départ et on verrait ensuite… Je vous remercie.
De rien Thomas : cette demeure appartient à notre famille depuis plusieurs générations. Notre plus cher désir est que notre lignée s’y perpétue. Et quant aux couts, ils seront partagés.
Les délais de réalisation?
Huit semaines tout au plus, peut-être même avant si je mets les mains à la pâte. Je superviserai les travaux durant mes vacances mais tu devras quand même y mettre ton grain de sel.
Aucun problème là-dessus… Je ferai pour mes enfants ce que vous avez fait pour moi.
Il s’agenouille devant eux et attire leur tête vers lui. Il les serre à les étouffer. Ils pleurent et rient tout à la fois. L’amour concret.
Vendredi 17 juillet
En franchissant le seuil, Thomas, les sens alléchés, suit l’odeur et aboutit dans la cuisine.
Nuala! Quel merveilleux arome? Où se trouve Lori?
Salut. Chez Cíaran jusqu’à demain et à ma prière… Hamburgers et frites épicées, est-ce que cela te convient pour souper?
Rien à y redire. Est-ce que je peux t’aider?
Tout est presque prêt… Mets la table; tu t’occuperas aussi de faire griller les pains et de les garnir de condiments sans oublier de trancher la tomate et de laver quelques feuilles de laitue; dispose aussi des cornichons dans les assiettes… Ah, et puis sers-nous des Coca-cola… Je termine la cuisson des galettes et surveille les pommes de terre.
Ils trinquent. Lorsqu’ils ont terminé leur repas, il n’en reste plus une miette.
Que c’était bon!
Mon frère aussi apprécie ma cuisine. Pour Lori, je prépare des végéburgers à base de tofu. J’aime Lori, j’aime Cíaran; toi, je ne sais pas. Je te ressens comme un puissant aimant. Mais tu m’effraies surtout et j’ignore pourquoi.
Ils débarrassent, silencieux. Lavent et essuient la vaisselle, en silence.
Chacun fait une halte à la salle de bain. Quand elle en ressort il est stationné au milieu du couloir, en attente.
Thomas… Commencer par faire l’amour pour fêler la glace?
Rougissant, il hoche la tête. Elle sourit et l’entraine en le tenant par la main vers la chambre. Sandales otées, il s’étale sur le dos au milieu du lit. Elle le considère légèrement étonnée. Elle s’étire tout contre son flanc, accoudée. Elle se penche pour l’embrasser puis réitère moins doucement. Il maintient le diapason, là aussi. Elle caresse son torse par dessus le chandail puis en dessous. Elle le remonte. Elle goute à chaque centimètre de peau découverte. Tant bien que mal elle réussit à retirer le vêtement. Sans lui faciliter la tâche, il n’oppose aucune résistance. Elle enlève le sien et, couchée sur lui, frotte sa poitrine nue contre la toison. Ensuite elle met son sein gauche à l’orée des lèvres. Il le suce, enroule sa langue itérativement, alentour du mamelon turgescent. Quand elle le lui offre, le droit subit le même traitement.
Palpe-les.
Jusque-là inertes les mains de Thomas entrent en action aux endroits désignés. Les joues de Nuala se colorent. Elle frotte son bas-ventre au thorax de son partenaire. Son bermuda gêne et elle l’enlève. Fiévreuse elle se place en génuflexion, ses lèvres intimes en contact avec les siennes. Thomas lèche le clitoris puis, à la demande de son amante, le bout de sa langue prend la relève dans un va-et-vient délicat. Nuala gémit et ferme les yeux.
Comble mes orifices.
Thomas s’empresse à obéir, utilisant les quatre doigts de sa main droite et tout en poursuivant son action linguale.
Plus vite… Pour les mouvements verticaux je veux dire…
Il s’ajuste. Elle entrouvre les lèvres et son souffle se raccourcit. Le temps s’y suspend la demie de l’heure s ans que l’autre ne montre le moindre signe de lassitude. Soudainement elle presse sa vulve. Elle crie à la montée du plaisir, une haute et forte vague. Elle tremble comme une feuille dans le vent. Nuala s’étend sur son amant; la bouche de Thomas est barbouillée des sécrétions féminines. Elle s’en empare goulument. Elle lui enlève le dernier rempart le regard fixé sur le pénis éloquemment érigé. Elle s’y empale, gémissante. Elle mène leur accouplement, lentement d’abord. Ses yeux transpercent ceux de l’autre. Lorsqu’elle accélère la cadence, les traits de Thomas s’altèrent et il geint.
Reprends ta maitrise.
Elle recommence ses mouvances ondulantes autour de l’axe rigide. Ils transpirent abondamment. Elle murmure juste avant son premier cri.
Laisse-toi aller.
Thomas se joint à elle pour le second tête rejetée vers l’arrière. Elle s’abat sur lui secouée par un second orgasme. Il l’enlace et la tient serrée dans l’étau de ses bras. Nuala enfouit le nez dans son cou.
C’était donc cela! J’avais peur de ta virilité! Au lieu de me prendre, tu t’es donné, non, soumis à mes désirs et jusqu’au bout!
J’en éprouve le besoin, parfois… C’est encore plus fort avec toi. J’aime ton emprise, ta domination même. M’abandonner à tes assauts amoureux me comble Nuala.
Je te découvre homme féminin. C’est tellement bizarre. Existes-tu vraiment?
Ils s’allongent face à face et sur le flanc pour mieux s’entretenir. Nuala pose sa paume au creux de la taille de Thomas, l’y laisse.
J’ai un ami. Il se nomme Francis Le Follet, le pauvre puisqu’il est schizophrène. J’essaie de le comprendre de l’intérieur. Il est père d’une grande fille de dix ans, Emmeline, trop sage, trop sérieuse. Elle prend soin de lui plutot que l’inverse. Sa femme s’en est allée, il y a quatre ans de cela. Ce matin-là, elle a conduit la fillette à l’école, comme d’habitude, l’a embrassée sur la joue, lui murmurant : « À ce soir, ma puce ». Emmeline n’a pas revu sa mère depuis. Quand Francis prend ses médicaments, il se débrouille à peu près convenablement. Ceci jusqu’au moment où il décide qu’il est guéri et n’a aucun besoin de « mangeurs d’esprit ». Quand il dérape trop, la petite signale le 9-1-1 et se réfugie chez nous, ou ici, c’est arrivé, une fois. Je te parle d’eux parce que tu vas certainement la croiser, elle, à un moment ou un autre. Emmeline est fascinée par Lori. Elle dit que c’est une princesse des mille et une nuits. Elle adore brosser son interminable chevelure. Et toi, as-tu des amis?
Thomas raconte à son tour : Melissa, Olivier, le petit Ludovic, qui veut voler comme un oiseau.
C’est un aspect de ma vie que personne ne connait hormis toi maintenant, une espèce d’enclave dans une autre dimension.
Je respecterai ton secret Thomas.
Nuala enchaine sur ses habitudes noctambules et leur raison d’être, elle y va de quelques anecdotes. Thomas poursuit ensuite sa confidence.
Lori t’a certainement raconté que je suis un « gosse de riche » comme elle le réitère trop souvent à mon gout dès qu’il est question de sous. En fait j’ai reçu un héritage substantiel de ma grand-mère. Je me considère étant un simple dépositaire d’un avoir qui servira à ce que ma descendance et peut-être la leur puissent en bénéficier. Cet argent est placé je ne sais trop comment par mon conseiller financier et je dispose pour moi-même des revenus d’intérêts. J’essaie de planifier mes dépenses sur trois mois en tenant compte des aléas. Lorsqu’il restera un surplus, à la fin de chaque trimestre, la fondation qui gère le Café des povres ainsi que le Border Zone en bénéficieront. Tu me donneras les coordonnées.
Je trouve que c’est correct de ta part.
Comme Nuala ne poursuit pas, Thomas continue sur sa lancée.
J’ai un autre secret à te confier. Tu sais sans doute que j’ai demandé à Lori et Cíaran de m’épouser…
Nuala confirme d’un signe de tête.
Mon grand rêve, c’est que nous formions une famille pour que s’épanouisse nos deux-trois enfants. J’ignore s’il se concrétisera, un jour. Je me refuse à envisager une rupture éventuelle : ce serait atroce, comme mourir, tu comprends?
Nuala caresse sa joue. Thomas parle de la maison de ses parents, aussi la sienne, du troisième étage plus particulièrement. Il lui décrit les rénovations qui commenceront sous peu.
Il y aura une pièce pour chacun, peinte et décorée selon ses gouts. Je voudrais que, toi aussi, tu ais ton coin personnel à tes couleurs. Acceptes-tu?
Pour toute réponse, elle l’embrasse.
Ils prennent un bain de tendresse, serrés l’un contre l’autre. Puis dans leur lit, Nuala s’endort entre ses bras. Au milieu de la nuit, le trouvant bandé, elle le chevauche à nouveau. Il s’abandonne à son amante. Leur union charnelle consommée, encore ancrée, elle se couche sur lui. Ils s’endorment ainsi.
Samedi 18 juillet
Thomas stationne un bon moment devant la porte. Apparemment on ne l’a pas entendu sonner. Comme c’est déverrouillé, il entre et monte les deux raides escaliers. Il frappe doucement. Rien. Il entend des éclats de voix. Il passe la tête à l’intérieur. L’assiette le manque de peu et se fracasse juste au-dessus de lui. Il referme et attend. Olivier ouvre et s’efface.
Une scène de ménage?
Olivier hoche la tête. Melissa explique d’un ton sec.
Je viens d’apprendre qu’il m’a trompé… nous a trompé!
C’est vrai?
Olivier opine du chef. Sa figure ne reflète pas le moindre sentiment de culpabilité. Il attend stoïque que l’orage se calme.
Melissa se met à pleurer. Thomas la prend dans ses bras. Olivier les observe, ne sachant que faire.
Apporte-nous des bières, au salon.
Thomas y entraine Melissa. Olivier revient avec trois bouteilles et des verres. Il s’acquitte du service.
Explique Olivier.
Je suis sorti hier soir… Je me suis rendu dans un sauna situé dans le Village… J’ai eu des rapports sexuels avec plusieurs habitués des lieux.
Protégés au moins?
Je ne suis pas suicidaire!
Il aime les hommes. Il t’aime. Pas les femmes. Il ne m’aime plus!
C’est faux Melissa. Je t’aime plus que tout. J’avais juste un besoin irrépressible de sexe mâle.
Tu ne me désires plus!
C’est faux Melissa. Je te désire tout autant qu’avant. Tu es toujours la femme de ma vie. C’est vrai que j’aime Thomas mais ce qui s’est passé avec les autres n’y a rien à voir. Je te l’ai avoué par souci d’honnêteté.
Je me sens comme la cinquième roue du chariot!
Alors que tu es la personne la plus importante du monde à mes yeux! Tu accordes de l’ampleur à des vétilles. Je t’aime! … Je voudrais tellement que tu acceptes cette partie de moi, aussi!
Melissa se lève, les envisage froidement l’un, puis l’autre.
J’ai besoin de réfléchir, seule. Ne faites pas trop de bruit en baisant, histoire de ne pas troubler le sommeil de Ludovic.
Elle claque pourtant la porte derrière elle.
Olivier pleure. Thomas le rejoint sur le sol. L’autre s’épanche sur l’épaule accueillante.
Pourquoi est-ce que je suis homosexuel? C’est une femme que j’aime pourtant! Cette famille que nous formons avec notre fils, c’est toute ma vie. Certes je suis amoureux de toi, et elle aussi. C’est fantastique ton intégration dans notre relation mais tu as servi de révélateur. Je ne peux pas maitriser ces pulsions ou les nier. J’ai besoin d’hommes dans ma vie Thomas. Pour l’amour, c’est toi, pour le sexe aussi mais avec d’autres également. Mais Melissa est tellement importante et voilà que je la blesse profondément. Je vais devenir fou!
Calme-toi mon amour… Cíaran est homosexuel. Pourtant il en est venu à accepter, voire à aimer, à sa façon très personnelle, pas une mais deux femmes. Il a dû trouver des accommodements pour y arriver. Mais il le voulait à cause de son amour pour moi. Excuse-moi je m’embrouille; ce n’est pas très clair tout cela.
Pour moi ça l’est. Je doit trouver un point d’équilibre conciliant à la fois ma nature et mes sentiments… Mais il y a Melissa aussi.
Un peu plus tard, Thomas embrasse son ami, lequel répond à son baiser.
Cette nuit, si elle le veut, je coucherai avec elle. Et toi sur le canapé. Nous allons parler aussi.
Oh! … Cela m’excite de penser à ce que tu vas lui faire, et réciproquement en chambre close.
… Et moi de m’imaginer ce que tu as fait avec tes amants d’occasion… Raconte-moi, en détail.
Dans cet endroit, il y a plusieurs alcoves que tu peux louer, ou bien tu peux choisir de te mettre en quête d’un occupant disposé à t’y recevoir. Lorsqu’une cabine est occupée, la porte est fermée mais si elle est déverrouillée, cela indique que l’hôte recherche de la compagnie. Si, d’un regard, les deux personnes se plaisent réciproquement, l’affaire est conclue et tu n’as qu’à laisser libre cours à tes instincts. Autrement, tu regardes ailleurs. Aux deux premières tentatives j’ai senti que cela n’irait pas. À la troisième, j’ai figé : un couple, à peu près mon âge, superbe. Côte à côte, ils se masturbaient nonchalamment en regardant un film pornographique. Ils étaient, tous deux aussi bien membrés que toi. Je me suis planté entre l’écran et eux. J’ai laissé tomber le drap de ratine qui me recouvrait, pudiquement des reins aux genoux… Me trouves-tu beau?
Magnifique. Dénude-toi que je constate encore.
Toi aussi…. Tout comme maintenant j’étais en érection… Le lubrifiant se trouve dans la chambre.
À son retour, il pose le tube sur la table basse.
Elle dort… ou fait semblant…
Plus tard. Continue ton histoire.
Ils agissaient comme toi, donc. Ils m’ont trouvé à leur gout également. L’un d’eux s’est agenouillé devant moi et a saisi ma verge dans sa bouche.
Lève-toi.
… Comme ça, oui… L’autre s’en est pris à mon cul, le léchant. Il m’a pénétré avec un doigt… puis deux… Comme c’est bon! … Un troisième larron est entré. S’étant agréé d’office, nul n’ayant protesté, il a verrouillé, ce que j’avais omis de faire auparavant. Pas beaucoup plus que dix-huit ans, efféminé. Il avait de petits seins saillants et des hanches de femme… Plus vite! … Son minuscule pénis pointait fièrement à 45 o. L’homme en charge du mien s’est couché sur le dos… Fais-le toi aussi… Il a enfilé un condom. Je m’y suis empalé aussitôt… Thomas! … L’autre a agi de façon similaire sur mon membre, dûment protégé, et s’est penché pour se placer à portée de lèvres de celui du dessous. Le laissé pour compte a commencé à manipuler son sexe d’excitante manière. J’ai mené l’acrobatique calvacade jusqu’à son prévisible terme : nous avons éjaculé tous les quatre simultanément…
Plus lentement… Je perds le gouvernail… Laisse faire… Continue… Olivier!
Chut! … L’échafaudage démantelé, l’androgyne à nouveau bandé s’est agenouillé sur le sol puis s’est ramassé sur lui-même… Oui, ainsi… De quoi ragaillardir en moins de deux… Avec lui j’ai utilisé un autre préservatif… Je l’ai monté… aussi durement que je t’encule mon amour… Il émettait également des plaintes tout à fait excitantes. Après tandis que je le masturbais tout en suçant ses mamelons saillants, il a subi le joug consécutif et douloureux des deux forces de la nature… Thomas! … Thomas!
Papa?
Chut, mon grand… Ce n’est rien, rendors-toi.
Cinq minutes s’écoulent sans autre manifestation en provenance de la chambre d’à côté. Thomas et Olivier s’enferment dans la salle de bain. Ils s’embrassent à bouche que-veux-tu. S’ablutionnent ensuite.
Je vais la rejoindre…
Bonne nuit… avec ma femme.
Thomas se glisse à côté de Melissa, laquelle lui tourne le dos. La pénombre règne.
J’ai entendu Ludo…
Il s’est rendormi.
Très sonores vos ébats… Je ne t’en veux pas à toi Thomas… Mais j’ai très mal… Cela vaudrait mieux que tu me laisses décanter.
Mes bras et mon épaule sont gratuits… Tu pourrais profiter de l’aubaine… J’ai relégué ton homme au canapé pour le reste de la nuit.
Pourquoi veux-tu que nous soyons seuls tous les deux?
Pour parler en tête à tête… et baiser ensuite.
Ce que j’ai entendu prédispose plutot à l’envie de l’inverse.
Tout de suite! Je suis à demi mort! … Cela risque d’être impossible de discuter après.
Alors transmet ce que tu veux me dire en me faisant l’amour et réciproquement… J’en ai besoin comme jamais!
Melissa augmente l’intensité de la lumière. Ils scrutent les prunelles de l’autre. Melissa se tourne sur le dos. La tête en surplomb, Thomas soude sa bouche à la sienne en un profond baiser auquel elle répond. Du bout de la langue, il goute sa chair féminine du cou jusqu’à la naissance de la poitrine. Alors qu’il suce un mamelon d’un rosé cendré, il empaume le sein adjacent et le pétrit. Les joues de Melissa se teintent d’un incarnat délicat. Après une longue escale, Thomas reprend son périple gustatif. Il stationne sur le nombril et titille le creuset. Melissa soupire. Peu après, il enfouit son nez dans la toison pubienne clairsemée. Ses lèvres se collent ensuite aux intimes siennes. Il stimule son clitoris et le pourtour. Il adopte le rythme qu’elle lui impose aux frémissements nerveux à l’intérieur des cuisses et qu’il sent sous ses phalanges, accordant l’intensité à ses gémissements. Soudain le corps de Melissa se tend comme un arc. Il accélère la cadence tout en ménageant l’organe tumescent devenu hypersensible. Melissa émet de longs feulements. Thomas s’abreuve aux sèves abondantes. La jeune femme est secouée d’un second orgasme puis d’un troisième spasme très rapproché. Melissa saisit une poignée de la tignasse sépia et entraine le reste vers sa figure. Elle le renverse. Elle emprunte le même itinéraire buccal que son amant tantot. Le membre en érection disparait quasiment complètement dans sa gorge. Son va-et-vient régulier lui arrache des cris de plaisir.
Ô ma reine… Prends-moi.
Elle le chevauche. Thomas crie. Ses larges paumes se referment en étau autour de la taille de Melissa. Il y imprime le rythme qu’il souhaite puis desserre légèrement son étreinte. Melisssa se donne intensément à Thomas tout comme lui à elle. Ils s’abandonnent au raz de marée qui les submerge. Sur la poitrine de son amant, elle laisse libre cours à ses larmes.
J’aime les hommes aussi, Melissa.
Mais lui n’est plus attiré que par eux.
C’est faux : il aime UNE femme, exclusivement… Lori doit partager davantage que toi… Ce n’est pas ta féminité qui est en cause Melissa.
Le plus important, c’est ce que nous batissons ensemble, la toile qui porte Ludovic. Je me suis égarée Thomas. Tu harmonises les liens dans tous les sens.
Je serai là tant que toi et lui voudrez de moi… Je vous aime…
Thomas?
Il dort à poings fermés. Elle effleure les lèvres sensuelles.
Comment ne pas t’aimer?
Un ronflement sonore lui répond.
Thomas se réveille un peu avant l’aube. Sans faire de bruit, il s’approche d’Olivier étalé sur le dos et découvert. Il le porte jusqu’au lit conjugal. Instinctivement Olivier se tourne et enlace la taille de Melissa. Durant un bon moment, Thomas regarde dormir le couple. Il baille à s’en décrocher les machoires. Il referme sur eux la porte de la chambre. Après un passage à la salle de bain, il se couche sur le canapé et s’enroule dans la couverture humant l’odeur de son chum avant de succomber à nouveau au sommeil.
Dimanche 19 juillet
Il ouvre un oeil incertain sur une frimousse rieuse au regard pétillant.
L’ami Thomas! Jour de la Promesse?
Oui, raton, tu vas voler aujourd’hui.
J’ai faim!
Il considère la porte fermée, les sourcils froncés.
Moi aussi. Hier tes parents étaient très fatigués; on pourrait les laisser dormir et manger ensemble…
Génial! Viens, l’ami Thomas!
Thomas enfile son caleçon de boxeur rose et suit l’enfant dans la cuisine. Ludovic fourrage dans l’armoire à provisions et brandit triomphalement une boite de céréales.
En veux-tu toi aussi?
C’est ma sorte préférée!
Le petit se précipite au réfrigérateur. Thomas rattrape de justesse le carton de deux litres de lait bien trop lourd pour de si minuscules menottes.
Je déniche des bols et tu apportes des cuillères.
Le tiroir à ustensiles choit avec fracas. Heureusement Ludovic s’est reculé à temps. Il se mord les lèvres. Thomas remet les choses en l’état.
Recommence mais vas-y plus doucement.
Avec un luxe de précautions, Ludovic tire à nouveau. Il choisit deux ustensiles et referme encore plus précautionneux, omettant toutefois de retirer ses doigts. Le cri fait se retourner Thomas. Il se précipite et prend le bambin dans ses bras. Il bécote les phalanges endolories.
Envoie la douleur à l’ami Thomas… c’est préférable d’utiliser la poignée…
L’estomac de Thomas gargouille ce qui fait rire l’autre. Ludovic verse les bouchées au miel et Thomas ajoute le liquide. Complices, ils dégustent.
Est-ce qu’on part bientot?
Si tu m’aides à préparer le déjeuner de tes parents, on pourrait hater le départ…
Génial!
Rôties, confitures et jus d’orange?
Ludovic se précipite à nouveau vers le réfrigérateur. Thomas s’empare de justesse de la boisson aux agrumes. Il en verse deux verres.
En veux-tu?
Ludovic acquiesce. Thomas en remplit deux autres, un grand et un petit.
Rapporte-moi une cuillère et un couteau sans dents s’il te plait.
Sans incident les ustensiles sont placés sur le comptoir.
Où se trouve le pain?
Ludovic désigne la huche juste devant Thomas, lequel confie les quatre tranches à l’enfant pour qu’il les place dans le grille-pain.
Surveille mais ne touche pas.
L’enfant prend l’attitude du setter à l’affut. Thomas en profite pour sortir des assiettes, des serviettes de table ainsi que la douceur sucrée et disposer le tout sur un plateau de métal. Les tartines beurrées complètent les préparatifs.
Ludovic devance Thomas et frappe à la porte de la chambre.
Entre mon grand.
Ludovic s’exclame théatralement.
Petit déjeuner au lit!
Melissa et Olivier l’accueillent entre eux.
J’ai aidé l’ami Thomas!
Que c’est gentil!
C’est le jour de la Promesse. Faites vite. Mangez!
Ils s’assoient en tailleur et obtempèrent. Ludovic réclame une bouchée; Thomas aussi, ce qui les fait rire. Finalement ils partagent tout et Thomas fait griller d’autre pain. Ludovic renverse son jus d’orange sur les draps. Thomas lui donne des gorgées du sien. Melissa et Olivier se regardent intensément. Le sourire de Melissa, fragile. Olivier murmure.
Je t’aime.
Elle hoche la tête. Ses yeux reflètent la même chose.
On part!
Un instant bonhomme. Et ta toilette?
Avec maman!
Melissa s’enferme dans la salle de bain avec son fils
Olivier et Thomas changent les draps puis font la vaisselle.
Merci Thomas. C’était terriblement important.
Je sais. Je vous aime.
Tu as sans doute compris que c’était réciproque de part et d’autre.
Oui. Je me sens heureux.
Ils s’enlacent.
À votre tour les hommes! … Ne vous attardez pas trop : Ludo bouillonne littéralement!
Penché, Thomas règle la température de l’eau. Olivier le serre de près et pétrit les fesses charnues. Du même mouvement, Thomas enclenche la douche, enjambe le rebord de la baignoire et referme le rideau. Olivier l’y rejoint.
J’ai envie de toi.
Thomas empoigne son propre pénis, se retourne et s’incline en courbant l’échine. Olivier l’encule aussitôt.
Hé! Tu aurais pu…
Excuse-moi, ça pressait.
Olivier le sodomise sans ménagement. Thomas pleure. L’autre n’en a cure.
Je te veux!
Il maintient son joug et approfondit la pénétration. Thomas crie puis se tait. Il s’abandonne à son amant déchainé. Après avoir éjaculé, Olivier se saisit du membre flasque, lequel ne le reste pas longtemps. Thomas intervertit les postures et le pénètre aussitot.
Je vais te rendre la monnaie de ta pièce, ô mon roi.
Olivier se laisse faire. Il serre les dents mais pousse un cri quand Thomas l’ouvre davantage. Olivier sanglote. Impitoyable, Thomas poursuit sa prise de possession jusqu’à sa conclusion prévisible. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre, se pardonnent mutuellement. Melissa et Ludovic en sont aux derniers préparatifs lorsqu’ils so rtent tout rosés, de leur « trop longue douche torride ». À l’injonction du petit, ils s’habillent « en dixième vitesse ».
La famille admire la nouvelle acquisition motorisée; la couleur et la « touche d’originalité » font l’unanimité. Ludovic se laisse sangler sur son trone sans émettre le moindre signe de protestation. Olivier consulte la carte pour repérer Saint-Hippolyte. Il jette aussi un coup d’oeil à la jauge d’essence, laquelle marque le plein. Ils parviennent à bon port, quinze minutes après le village et sans aucun incident.
Ma tante, Muriel Lafontaine est l’ainée de ma mère d’une dizaine d’années; elle est aussi ma marraine adorée.
Ladite sort de la maison dès qu’elle entend le bruit du moteur. Elle ressemble à Michelle; sa figure s’orne des rides d’un sourire ouvert et spontané. Elle serre Thomas tout contre elle.
Plus de quatre mois sans te voir mon grand! Comme tu as changé! Que je suis heureuse que tu sois là! … Ah! Voici mon nouveau copilote… Veux-tu venir voir mon coucou Ludovic?
Qu’est-ce que c’est?
La Promesse de l’ami Thomas, Ludo.
Le gamin accepte la main de Muriel.
Venez Melissa et Olivier; soyez les bienvenus en mon royaume.
Thomas s’assure que les phares sont éteints, prend les sacs ainsi que le siège d’appoint. Il les rejoint sur le quai. Ludovic bat des mains et trépigne.
J’ai pensé que ce serait préférable de voler tout de suite pour ne pas le faire languir inutilement. Est-ce que cela vous va?
Si nous pouvions utiliser les commodités, avant…
Bien sûr! Thomas, conduis-les s’il te plait.
Quand ils reviennent, Muriel est aux commandes de l’hydravion. Thomas installe Ludovic à ses cotés. Puis ils grimpent tous les trois à l’arrière avec Thomas au milieu.
Parés?
Ludovic applaudit. Muriel met le moteur en marche et dirige l’appareil vers sa position de décollage. Alors qu’ils montent Ludovic contemple, béat, les nuages cotonneux.
Regarde aussi en bas, copilote!
Je vole!
Il se retourne vers son père. La redite fige à l’orée de ses lèvres.
Papa tu es vert.
Olivier n’a pas la force de répondre, secoué qu’il est par une nausée.
L’ami Thomas aide, papa!
Olivier regarde Thomas, l’air éperdu.
Désolé mon vieux : pas pour ça!
Thomas lui tend un sachet en papier. Melissa éclate de rire. Sauf Olivier, ils admirent la terre minuscule en contre-bas : les champs cultivés, les troupeaux de vaches, les agglomérations et leurs clochers dominants. Ludovic commente tout ce qu’il aperçoit, tout au début du moins. Ensuite il se tait. Il emmagasine le bonheur de voler. Il place ses deux mains sur son coeur pour le contenir. L’hydravion amerrit après une heure et demie de vol. Au lieu de se tortiller pour se libérer comme il en a l’habitude Ludovic reste assis sur son trone, toujours muet. Les autres respectent son silence et attendent.
Pipi maman!
Murielle éclate d’un rire joyeux en même temps que Melissa et Thomas. Sur le quai Olivier retrouve sa pale carnation naturelle. De retour sur la terrasse Muriel et Thomas servent des rafraichissements. Ludovic reprend son habituel rythme échevelé.
As-tu emporté ton maillot Ludovic?
Il fouille dans le sac et le brandit. Se précipite dans la salle de bain pour l’enfiler. Melissa suit avec le sien, pudique, et la crème protectrice. Olivier remis complètement fourrage et récupère un minuscule bout d’étoffe au motif ocellé et aux couleurs de la panthère ainsi que des draps de plage aux dessins de perroquets pour les trois.
Je vous rejoindrai tantot : je vais jaser un peu avec Muriel. Il y a une ceinture d’enfant dans la remise…
Il faudrait envelopper le bras plâtré…
Muriel revient avec un grand sac de plastique et confectionne une protection avec des épingles de nourrice. Bientot la famille s’ébat dans le lac.
Muriel et Thomas les observent un moment.
Alors, mon grand. Raconte-moi tout : les études, les amours, les états d’âme dans le désordre.
Thomas parle de son grand projet avec le professeur, de Lori, la femme de sa vie. Puis, il se tait.
Qu’est-ce qui est si difficile à dire Thomas? … De quoi as-tu peur tout d’un coup toi qui m’as choisie « confidente secrète » depuis ton adolescence?
… Parce que je redoute que tu ne comprennes pas,cette fois… Je partage mon existence avec un homme aussi, Cíaran. Je l’aime. Entre eux, je suis complet.
Muriel observe un long silence.
C’est raide j’avoue… Est-ce que ton amie accepte la situation?
Maintenant oui. Je leur ai demandé de m’épouser. J’attends leur réponse.
… Thomas je t’aime assez pour accepter cette facette de toi. Ma soeur et ton père?
Ils intègrent ces nouveaux paramètres mieux que je ne l’anticipais… Les conflits se sont résorbés aussi. J’ai compris qu’ils prenaient racine dans ma cervelle davantage que dans la réalité… Ce que tu essayais de me faire réaliser depuis longtemps.
Muriel hausse les épaules.
Ils étaient réels parce que tu les vivais ainsi. Au fond mes explications étaient inutiles.
Pas tant que cela, marraine adorée. Mais je voulais qu’il y ait des affrontements : c’était cela le plus important, alors.
… Aurais-je des petits à gâter malgré ta situation… particulière?
Deux-trois avec des yeux d’outremer, des chevelures jais et la peau dorée : Lori est métissée d’indien. Ils seront des Desmond… Enfin si notre mariage se concrétise.
Que c’est étrange! … Des poupons à caliner, c’est cela qui compte au fond… Parlant d’enfant le petit Ludovic est attendrissant, très intelligent pour son âge; pas une sinécure pour tes amis, en tout cas! Ramène-les sans problème… tes amours aussi.
Je dois te prévenir que Cíaran est atteint de sclérose en plaques….
Mon Dieu! La SP mène à…
Je sais et Lori aussi… Il est hémiplégique.
Muriel hoche la tête.
Toutes ces révélations me bouleversent… Va te baigner un moment, le temps que j’absorbe.
Thomas un peu triste rejoint la famille. Melissa remarque tout de suite sa morosité. Elle vient vers lui.
Qu’est-ce qu’il y a?
… J’ai appris à Muriel l’orientation de ma vie… Je crois qu’elle trouve le tout difficile à avaler… Je l’aime beaucoup Melissa… C’est terriblement important pour moi qu’elle comprenne.
Spontanément Melissa l’embrasse.
Si tu n’existais pas on devrait t’inventer Thomas.
Maman!
Melissa se tourne vers son fils. Olivier rejoint son chum et s’enquiert.
Qu’est-ce qu’il y a?
Thomas répète ses explications. Spontanément Olivier l’embrasse.
Existes-tu vraiment Thomas?
… Je ne comprends pas.
Il n’y a rien à comprendre mon amour.
Olivier reprend ses lèvres.
L’ami Thomas! Nage avec moi.
Thomas s’exécute. Il montre à l’enfant de nouvelles façons de se déplacer dans l’onde.
Voler! Nager!
Tout le bonheur du monde se condense dans ces deux exclamations.
Thomas émerge le premier et, après s’être ébroué, retrouve Muriel.
Une amitié élargie…
Cela te choque?
Pas vraiment au fond étant donné les révélations antérieures… Ça va Thomas : je t’aime.
Et toi?
La vie que j’ai choisie. J’apprécie ma solitude mais j’adore qu’elle soit peuplée parfois de frimousses éveillées.
Je n’oublierai pas. Je t’aime Muriel.
Et moi aussi mon grand, tel que tu es.
Thomas l’enserre à l’étouffer. Temps de revenir en ville. Ludovic dort tout le long du trajet.
Vendredi 24 juillet
Cíaran répond à la troisième sonnerie.
Monsieur Thomas Desmond?
Non… Euh… il se trouve sous la douche.
La voix féminine fournit le motif de son appel et laisse le numéro de téléphone où on peut la joindre. Lorsque quinze minutes plus tard Thomas sort de la salle de bain, son ami l’interpelle.
Ils commencent tot les fonctionnaires : il n’est que neuf heures! Tu as reçu un appel de Lydia Berthier de Parcs Canada; voilà les coordonnées.
D’un même mouvement Thomas lui arrache le papier des mains et s’empare du combiné. Il signale le mauvais numéro. Le réexamen minutieux de la tremblante calligraphie lui permet de corriger l’erreur. La voix aimable ne le replace pas tout de suite.
Excusez-moi, c’est le vendredi matin que je loge tous mes appels…
Deux semaines auparavant je vous ai écrit vous faisant part de mon intérêt particulier pour Grosse-Île à la suite de la traduction en français du manuscrit écrit en gaélique irlandais de mon ancêtre Riain Lynch, lequel y a exercé la médecine en 1847 et y a trouvé la mort; que mon avidité de comprendre était augmentée du fait que j’ai étudié en anthropologie; je sollicitais aussi la permission de parcourir l’île en dehors du circuit touristique, et si cela s’avère possible d’y rester quelques jours, entre le 10 et le 17 aout préférablement, en raison de contraintes diverses.
… C’est une période qui s’avère fertile en événements en ce qui nous concerne… Nous ne pouvons accéder, entièrement du moins, à votre demande d’autant plus que les disponibilités en matière de logement sont fort peu nombreuses, notre personnel demeurant in situ durant la saison. Toutefois, la proposition que j’ai à vous faire n’est pas dénuée d’intérêt. Nous pourrions vous recevoir avec le premier bateau, lequel part, tot le matin de Berthier-sur-Mer; après entente avec les Croisières Lachance, vous reprendrez le dernier en fin d’après-midi. Entretemps, un guide expérimenté vous accueillera et vous aurez accès à plusieurs des endroits qui, pour le moment, ne sont pas ouverts au public, en plus de ce qui l’est. Est-ce que ceci vous conviendrait?
Malgré les balises certainement. Nous voyagerons à trois ou quatre; cela vous pose-t-il un problème?
Aucun, monsieur Desmond… Pour vous recevoir, le 12 irait parfaitement.
Je vous remercie énormément madame Berthier.
De rien. Je réside sur la Grosse-Île, sauf le vendredi matin, où je travaille à Lévis. S’il y a un problème, rappelez-moi.
La dame raccroche. Thomas pousse un cri de joie.
… Nous allons en vacances?
… J’avais l’intention de t’en parler justement… J’ai abordé le sujet avec Lori, de là les dates fixées…
Partir signifie pour moi une appréciable perte de revenus!
C’est l’été! Tu as droit à des vacances payées. Je te les offre! Québec, Grosse-Île! Après, le monde! Dis oui Cíaran!
… Pourquoi est-ce que je ne peux pas résister à ton enthousiasme Thomas?
Peut-être que t’es amoureux de moi…
Y a des chances… D’accord pour les « vacances payées ».
Youppi!
… Si tout va bien…
J’ai envie de rêver.
Moi aussi Thomas.
Lundi 27 juillet
Le professeur accueille Thomas de son sourire habituel mais un peu forcé.
Comment vous portez-vous Thomas?
Relativement bien. C’est étonnant, moi qui possède toutes les raisons pour me trouver le plus heureux des hommes. Une tension passagère… Et vous-même?
Je pourrais difficilement annoncer le beau fixe… Une certaine mélancolie m’habite… Rien de précis pourtant… Commençons-nous?
Sa gêne est tangible et Thomas acquiesce.
Trois heures d’intense concentration suivent, tous les problèmes évacués pour un temps.
Je n’en peux plus!
Le professeur s’arrête sur sa lancée comme si la pile avait lâché soudainement. Il relâche mais la fatigue creuse ses traits tirés.
Dinons-nous?
Ah oui, bien sûr… Je vous accompagnerai d’une tasse de thé : je n’ai pas très faim.
Sur le comptoir de la cuisine, Thomas remarque qu’aucun ustensile ne traine contrairement à l’usage de la maison. Tout au plus, quatre tasses. Thomas ouvre la porte du congélateur. Là non plus, rien n’a changé depuis le vendredi. Il referme.
Tout compte fait, un petit changement serait le bienvenu… Un sandwich aux tomates avec du bacon vous ferait-il saliver davantage?
Je l’ignore mais je n’ai pas…
J’y cours. En moins de temps que d’infuser le thé je serai de retour.
La préparation du repas courses incluses lui prend quinze minutes. Le professeur décide de s’abstenir de matière grasse finalement. Thomas en confectionne quatre, dont la moitié suivant les desiderata du vieil homme.
C’est beaucoup trop! Je n’ai pas beaucoup d’appétit.
Moi, oui : je n’ai pas eu le temps de déjeuner… Cíaran éprouvait d’intenses douleurs à la figure ainsi que des démangeaisons « à en devenir fou à lier » aux avant-bras… On n’était pas trop de deux pour tenter de le soulager… Le quotidien se présente plus difficile à certains jours… Est-ce que c’est bon?
Délicieux!
Thomas engloutit ses quartiers en deux temps quatre mouvements. Le professeur dévore le sien puis reluque vers le deuxième. La demie y passe.
Je ne croyais pas avoir si faim! … La cafétéria me manque un peu : c’était varié, faute d’être savoureux… Je n’ai pas beaucoup d’énergie pour cuisiner… J’ai fait pas mal le tour des préparations surgelées, on dirait.
Je ressentais cela, aussi.
… Peut-être que le moment est venu, finalement…
Le professeur s’enferme dans ses pensées. Un long moment s’écoule. Il regarde Thomas, l’air incertain.
… Dans les résidences pour vieux séniles, il y a des cantines… Peut-être même qu’on y fait le ménage… Ici, c’est vous qui vous en chargez et cela ne devrait pas être… J’ai pourtant du mal à me faire à l’idée d’engager quelqu’un pour ces tâches… Mon intimité… Vous, vous ne la troublez pas, Thomas… J’en ai visité une vendredi dernier… C’est petit… Il n’y aurait pas de place pour la moitié de mes chers trésors livresques… Enfin, peut être une autre…
Le professeur a les larmes aux yeux. D’abord décontenancé Thomas réagit promptement.
Vous ne présentez pas le moindre signe de sénilité! Quant aux corvées domestiques : elles sont légères et cela me fait plaisir de les accomplir puisque cela vous permet de vous consacrer davantage à notre projet. Quant à l’alimentation, notre congélateur regorge de mets variés apprêtés par la mère de Cíaran. Tout ce qu’elle réalise est savoureux, et c’est devenu plus diversifié depuis qu’elle travaille au Café. Je vous apporterai un échantillonnage : vous n’aurez jamais été si bien nourri de toute votre vie! Et puis j’aime cuisiner. Quand on dinera ensemble, je vous préparerai, aussi, quelques spécialités. Si cela peut améliorer un tant soit peu, votre quotidien j’en serai le plus heureux. Je suis conscient que ceci ne règle pas tous les problèmes mais c’est quand même un point de départ. Acceptez je vous en prie…
… Je me sens redevable… C’est difficile… Je ne sais pas Thomas. Je vais y réfléchir… Je connais tant de bouleversements intérieurs depuis quelques semaines… Si je décide d’aller de l’avant accepteriez-vous de vous charger de mes livres?
… J’espère que je n’aurai pas à le faire professeur.
La discussion étant close, Thomas nettoie la vaisselle, s’occupe des ordures et prend congé.
Longtemps, Thomas, songeur, reste immobile au volant de sa fourgonnette. Il téléphone à son père et l’invite pour un « cinq à sept, si cela ne cause aucun problème à la maison ». Hugh l’assure que Michelle ne lui en voudra certainement pas, surtout s’il lui fait un compte-rendu étoffé et circonstancié de leur rencontre. Thomas éclate de rire. Ils conviennent d’un rendez-vous à La Bodega. Hugh se présente avec une demi-heure de retard.
Désolé, une patiente de dernière minute. Bonne idée d’avoir commandé un pichet de sangria.
… J’aimerais te dire que je t’ai invité juste comme cela… En fait, je suis perplexe et j’ai besoin de tes lumières… Je dois te raconte en détail parce que le problème m’apparait beaucoup plus complexe qu’il ne me semblait à première vue…
Toute mon attention t’est acquise.
Thomas détaille sa conversation avec le professeur.
Je me sens déconcerté. Je ressens qu’il se trouve en proie à une réelle détresse. Je crois qu’il est tourmenté par quelque chose qu’il n’avouerait pour rien au monde à qui que ce soit. Je suis inquiet, papa. J’ai l’impression que ce que je lui ai proposé ne peut que baumer un tant soit peu ce qui le ronge…
C’est déjà mieux que rien, à brève échéance du moins. Je me sens mal placé pour te donner des conseils en matière de comportement humain, je ne peux vraiment qu’avancer quelques pistes de réflexion… Michelle…
J’ai éprouvé le besoin d’en parler avec toi… Dis-moi ce que tu en penses.
À mon avis, il présente des symptômes de dépression, explicables en partie du moins par les changements survenus dans sa vie : la mise à la retraite n’est pas une période facile à traverser surtout en célibataire masculin. Tu te retrouves socialement inutile. Trop souvent, l’on te fait sentir que tu es devenu « bénéficiaire » du système. Comme si le fait d’avoir travaillé toute ta vie adulte pour la société ne comptait même pas! Le traitement que fait subir cette orientation mercantile et fonctionnaire à nos ainés me révolte au plus haut point. Je crois fermement que les proches, quand il y en a, se doivent de combattre cette cruelle mentalité! Et puis, il y a ce principe ancré profondément par notre éducation qu’il vaut mieux donner que recevoir. Mais je fais trop de digressions. Sans pouvoir régler tous les problèmes, tu pourrais, au moins, lui proposer un cadre de vie qui lui épargnerait de songer à giter dans un mouroir et atténuerait son sentiment de solitude, tout en ménageant ses sensibilités.
Hein? Comment ça?
… Si tes rêves se réalisent et que vous occupez le troisième… ou même si tu viens y demeurer seul… ou si le statu quo actuel persiste, tout compte fait, il reste le sous-sol, éclairé a giorno, comme tu le sais, du fait de l’inclinaison du terrain. Des rénovations relativement mineures rendraient la surface habitable et attrayante. Aussi nous venons juste de demander à madame Perreault de travailler une journée de plus par semaine, pour alléger sa charge : elle se sentirait moins gênée de l’accepter avec ce relativement léger supplément d’ouvrage. Avec sa discrétion proverbiale, elle saurait bien vite vaincre les réticences du professeur. Également, nous consommons des mets variés et délectables qui seraient partagés de bon coeur et ne nécessiteraient pas beaucoup plus de travail. Aussi, l’espace disponible permettrait d’y installer la bibliothèque nationale ou pas loin. Et, compte tenu de ce que j’ai mentionné au début, il y aurait des chances que tu demeures tout proche de celui avec qui tu oeuvres. Finalement, étant médecin, je pourrais également porter secours, si une urgence survient…
… Je n’y avais pas pensé… Vous n’y verriez aucun inconvénient, vraiment?
Notre maison est immense Thomas, assez pour permettre à tous ses occupants d’y mener une existence indépendante et conforme à ses besoins. Cela m’apparait, au contraire, absurde de ne pas en profiter!
Quant au reste?
Je ne possède pas la réponse, fils. Écouter, veiller, suggérer, parfois, guère plus en la circonstance. C’est une question de respect humain.
De libre arbitre…
Hugh s’absente pour téléphoner. Revient cinq minutes plus tard.
Mangeons-nous?
J’ai faim aussi. Et maman?
Elle m’a donné congé pour la soirée, d’autant plus facilement qu’elle reçoit Muriel : cela l’énerve quand je me trouve dans les parages lorsque sa soeur vient… Je me demande bien pourquoi…
Alors que tu ne perds pas une occasion de « taquiner la vieille fille »!
C’est de l’humour! J’adore Muriel.
Ils commandent une paella valenciana pour Thomas et de la cervelle de veau au beurre noir pour Hugh.
Je suis allé chez marraine la semaine dernière… Je lui ai révélé ma situation particulière…
J’imagine qu’elle a dû recevoir cela comme une décharge de chevrotines aux fesses…
Tout comme vous d’ailleurs… Ma période de déni a peu duré mais c’est un raz de marée qui m’emportait…
J’ai commencé à comprendre quand je t’ai vu avec Cíaran. Ton regard portait la vénération, tout comme pour Lori. Je ne crois pas que ce soit possible, ni même souhaitable, de lutter contre la nature ou l’amour, du moins entre adultes consentants, ce que vous êtes tous les trois, ou quatre… Je…
L’entrée leur est servie promptement. Les repas odorants suivent. Hugh reprend le fil.
Je n’éprouve aucune crainte non plus pour tes descendants : ils auront des parents très spéciaux et plus nombreux mais aimants. N’est-ce pas ce qui compte vraiment?
Oui… Nous en sommes encore bien loin…
C’est donc cela qui t’attriste!
Thomas hoche la tête.
Tout va tellement bien entre nous pourtant! Et je sais qu’ils m’aiment aussi!
Thomas, avoir des enfants c’est s’engager pour au moins un quart de siècle. Cela demande bien plus que de l’amour. Et ajouté à cela la maladie de Cíaran, c’est quasiment de l’abnégation. De prendre cet engagement à la légère m’apparaitrait irresponsable! Je ne parle pas en ce qui te concerne évidemment et je ne mets nullement en doute ton sens des responsabilités.
… Tu as raison… Parfois le vouloir ne suffit pas… Si je vivais dans l’instant présent pour quelque temps j’ai l’impression que cela atténuerait mon stress…
De ne pas penser aux conséquences d’un refus aussi.
Ils sirotent un café, parlent des rénovations. Ils se quittent après une étreinte empreinte d’amour.
Au lit, Cíaran lit Cioran. Il l’accueille d’un sourire lumineux.
Salut mon amour.
Thomas sourit, irradié. Il se jette à côté de lui.
Ciel, la terre tremble!
Tu as un drôle d’air avec tes lunettes artistiques.
Les gouts ne se discutent pas, monsieur!
Où est Lori?
Au cinéma avec ma soeur. Elle rentrera peut-être… Où étais-tu?
Au restaurant avec mon père… J’aurais dû téléphoner…
Je t’attendais…
Cíaran délaisse son livre. Il accapare la main de son ami et la serre, très fort.
Depuis quelque temps tu sembles d’humeur chagrine…
… Cela va mieux maintenant : tout va rentrer dans l’ordre… Juste certains ajustements à opérer dans mon crane.
… Belle relation qui s’établit!
… Désolé… Je me trouve au casino. Le croupier prononce : « Faites vos jeux, mesdames et messieurs! » Puis quelques secondes plus tard sa phrase fatidique : « Rien ne va plus! ». La roue se met à tourner. Je regarde fixement la petite boule. Le temps s’étire à l’infini. Je ne saurai jamais si je perds ou gagne puisque je m’éveille juste l’instant d’avant que le mouvement ne cesse, le rendant perpétuel…
Des larmes coulent sur ses joues, son nez.
… Une chance que tu ne joues pas à la roulette russe!
Thomas sourit brièvement.
Laisse pointer l’arc-en-ciel un peu plus et viens tout proche.
Thomas enfouit son nez au creux de la hanche de son ami et son bras pèse à la taille. Cíaran caresse la tête bouclée.
Je t’aime Thomas… Mais je ne me sens pas prêt à m’engager davantage.
Tu me l’as déjà dit et je comprends… Et pour Lori, c’est la même chose… Juste que je gère mal mon incertitude.
Cíaran enlève ses lunettes et s’étend sur le dos. Thomas remonte un étage plus haut. Les prunelles mordorées rencontrent les olivines et s’y perdent.
Je t’aimerai durant toute ma vie Cíaran.
Aime-moi plutot ici et maintenant et avec tout ton être.
Cíaran se défait de sa robe de chambre et Thomas de ses oripeaux estivaux. Cíaran s’étire sur le ventre. Thomas fourrage dans le tiroir.
Sous le lit.
Thomas se penche au rebord tête au sol et récupère le tube dont il fait usage.
Prends-moi en douceur mon homme… Longtemps aussi.
Thomas s’enchasse à l’intérieur de Cíaran. Le reste de son corps l’épouse étroitement. L’orgasme immédiat le secoue. Il gémit et il tremble. Son va-et-vient reprend peu après et se raffermit. Leur pariade s’étend sur l’heure et entame la suivante. Cíaran à l’abandon jusque-là s’anime et ondule du bassin. Ils entremêlent leurs doigts. Leurs rales s’accordent à leur irrépressible mouvance jusqu’à la jouissance exaltante.
Lori manifeste sa présence silencieuse.
Moites et sensuels… Vous êtes magnifiques dans l’acte d’amour.
Ça l’est toujours quand c’en est… même entre un homme et une femme malgré l’asymétrie.
Cela me surprend toujours… quand tu invertis les évidences…
Lori et Cíaran : ne recommencez pas encore!
Les deux se regardent, l’air ahuri.
Ceci constitue une atteinte à ma liberté d’expression!
Mais nous ne faisons qu’échanger des points de vue divergents!
Les trois pouffent.
Sincèrement je suis fatigué. Excusez-moi.
Lori se pince le nez.
Vous avez besoin d’une douche les mâles.
Pince sans rire Cíaran réplique.
Si tu changes les draps, on veut bien…
Je pourrais coucher sur le canapé…
Elle n’a pas encore accepté de m’épouser et elle veut faire chambre à part!
Tu vois comment sont les femmes Thomas : mieux vaut le célibat… en duo masculin…
Cíaran je vais t’étrangler!
Au secours Lori : je suis captif!
Je trouve que tu tournes très vite casaque. Débrouille-toi!
Lori s’éloigne.
Tu ne peux pas m’abandonner. C’est trop cruel!
Je prépare le bain : tu pourras toujours l’y noyer Thomas… Mais auparavant tu pourrais rafraichir le lit pour ta bien-aimée.
Cíaran contemple Thomas, la mine furibonde.
Elle te mène au doigt et à l’oeil!
Toi aussi. Elle est ma déesse et toi mon dieu.
Diable! Lori j’ai aussi un adorateur! Qu’est-ce que je suis censé en faire?
L’aimer.
CQFD. Au bain : je ne te noierai pas je le jure!
Vas-tu me laver alors? … Une sorte de privilège divin…
Quand avec Lori j’aurai terminé la tâche.
Je cède par pure mansuétude, note-le Cíaran.
Avant qu’il n’ait trouvé de réplique, Thomas l’emporte vers la salle de bain et le dépose au lieu dit. À deux le lit retrouve sa fraicheur.
Cíaran s’est endormi dans l’eau. Thomas requiert Lori à la rescousse. Sans qu’il ne s’éveille ils l’assèchent après avoir vidé la baignoire. De retour dans la chambre avec son léger fardeau Thomas le borde.
Une douche?
Un bain : je ne veux pas mouiller mes cheveux. Avec le même gel moussant… « Nectar à la vanille Bourbon » : cela sent délicieusement bon.
Vous avez, au moins, un point commun!
Contesterais-tu nos gouts en matière de baignade parfumée?
Je m’adapte.
C’est excellent! Viens, mon amour.
Ils s’immergent. Lori l’embrasse.
Ces temps-ci tu t’énerves à rien, tu dors des heures et te réveilles fatigué. Je ne t’ai jamais connu ainsi même au pire d’une session! Qu’est-ce qui te tarabuste?
J’essaie de régler le problème.
… Je crois que j’ai deviné… C’est l’incertitude qui te ronge n’est-ce pas? … En même temps, tu ne veux pas en parler pour ne pas mettre de pression sur nous…
J’ai l’impression de jouer à la roulette russe.
Je t’aime, Thomas… Mais je ne me sens pas prête à aller plus loin… Pas pour le moment, du moins.
Tu me l’as déjà dit et je comprends… Pour Cíaran c’est la même chose… Il a réagi exactement comme toi! Pourquoi ai-je la nature si compliquée?
Qu’elle le soit, c’est évident. Il n’existe aucune réponse… Ce que tu me proposes s’avère tellement étrange! Je me sens totalement prise au dépourvu! Je ne possède aucun point de repère! … Donne-moi du temps je t’en prie : je ne veux pas m’engager à la légère.
Je sais, j’ai juste du mal à vivre au jour le jour.
… Je ne voudrais pas que tu te méprennes sur mes sentiments envers Cíaran… Il me plait beaucoup. J’aime le défi qu’il représente. J’adore nos luttes verbales et c’est réciproque je le sens. De l’accepter lui, et lui dans ta vie, ne présente plus aucun problème. Sa maladie, non plus; c’est devenu accessoire, en quelque sorte, bien que je ne crois pas qu’il le comprenne vraiment… Et il y a mes sentiments envers toi, tellement intenses… Je me sens toute déboussolée!
D’une certaine manière, cela me fait du bien que tu m’en parles.
Viens te coucher, tu parais crevé et je le suis.
Je prends une douche rapide avant… pour enlever le parfum. Je le trouve agréable mais seulement sur ta peau.
Leur toilette terminée, ils se mettent au lit.
Je t’aimerai toute ma vie Lori.
Je t’aime. Dodo!
Quelques heures plus tard elle forme fourreau au pénis de Thomas lequel durcit aussitôt. Il s’éveille, gémissant.
Aime-moi tout de suite.
Illico Thomas pénètre en elle.
Entre tes cuisses mon amour c’est le paradis.
Lori frémit.
Dure longtemps : c’est tellement bon!
L’éternité même… Oups!
Thomas, respirant profondément, recommence bientôt des poussées hésitantes, puis fermes. Attentif, il règle sa cadence sur le degré d’excitation sexuelle de sa partenaire. Lorsqu’elle le prend en charge, il s’immobilise. Cíaran ouvre les yeux et observe leur symbiose, le souffle suspendu. À l’unisson les amants connaissent l’aboutissement intime de leur désir de l’autre. Cíaran se rendort, le sourire aux lèvres.
Avant l’aube, Cíaran tatonne à la surface de la table de chevet. Silencieusement il peste durant une dizaine de minutes pour ouvrir le satané flacon. Il avale un comprimé d’aide nature. De plus il s’assure que le tube de confort au plaisir se trouve à portée. Il sommeille et rêvasse l’heure suivante. Puis tout le milieu du corps de Thomas, envers et avers, devient la cible de ses libidineux assauts, buccaux, digitaux, et invasifs. Thomas tire Lori du sommeil en agissant à l’instar. Ils unissent leur corps par le sexe, étroitement, emportés par l’irrésistible tourbillon de leur puissante passion. Entre eux, Thomas est secoué de tremblements violents, galvanisant les ardeurs des deux autres. Ils deviennent inertes, brusquement et en parfaite synchronisation, juste avant que l’extase paroxystique ne les saisisse.