Pour hommes seulement
Variations sur la nature
Louise Gauthier
Elle a tant d’amoureux qu’elle ne sait lequel prendre…
Gabriella se glisse doucement à côté d’Aglaé. Le mamba se redresse menaçant. À l’intérieur d’une cage mobile, heureusement. Les deux femmes statufient pour ne pas énerver davantage le belliqueux lequel finit par recouvrer son calme antérieur. Elles chuchotent.
Tu lui as fait peur… Je t’ai déjà fait remarquer qu’on ne doit pas…
Je sais… Une urgence… Le grand patron n’aime pas attendre…
Tu peux ramener Sultan au gite.
Il me fait quand même peur, celui-là!
Du sang-froid, Gabriella; tu es payée pour en posséder!
Le rappel, cinglant, l’aide à se ressaisir. Sa paleur s’atténue. La voix ne chevrote plus.
D’accord, patronne. À vos ordres.
Voilà qui est mieux… Attends d’avoir récupéré complètement tes moyens. Vas-y délicatement. Et surtout sois vigilante et prudente. Je t’aime.
Le grand boss… Je t’aime.
À la sioux, Aglaé se faufile hors du laboratoire.
Elle s’excuse mollement auprès de l’impatient chronique.
Désolée une manipulation délicate m’a retenue.
J’ai préféré un entretien de vive voix plutôt que par l’intermédiaire du télécopieur…
En ce qui concerne ma démission sans doute?
Quelle télécopie? Quelle démission?
Mais je…
N’ai rien reçu en ce sens. Madame Bergeron l’heureux dénouement de vos déboires judiciaires a été très bien accueilli par nos généreux donateurs. L’honneur est sauf… Et je suis personnellement très heureux que notre Institut ait retrouvé son âme.
Son interlocuteur raccroche abruptement. Sa manière habituelle.
Gabriella encore palotte l’interroge des yeux.
Cela semble que je suis « l’âme » de ces lieux…
Cela est avéré.
Pierre Alban et Jolaine s’unissent par les liens du mariage. Armand contemple le couple profondément ému. Le regard d’Émile cherche le sien. Armand frissonne à la caresse des prunelles. L’amour. Celui de deux êtres. Le genre n’est qu’abstraction eu égard au noeud. Père et fils s’étreignent. L’amour aussi. La brève cérémonie laïque terminée on festoie au restaurant chinois. Le bonheur règne en oasis.
Eux ou moi. La situation est devenue carrément invivable!
Expliquez-vous maitre Massicotte.
Vous savez tout ce qui se passe!
Je souhaite entendre votre interprétation.
Les « retombées » du « fameux » procès : notre clientèle criminalisée s’affiche « rose » de plus en plus. Ce qui colore les lieux en tout cas!
Et remplit nos goussets aussi…
… Depuis ce matin j’ai un-une nouveau-nouvelle client-cliente!
Dans ce cas précis « elle » serait approprié. Ses prénom et genre ont été officiellement modifiés…
Donc « elle » est accusée d’avoir tranché au couteau le pénis de son conjoint infidèle avec une autre « femme » en sus! Doit-on encore désigner le mutilé par « il »?
L’organe ne fait pas l’homme. Émile Bergeron pourrait s’occuper de cette affaire si vous ne vous sentez pas en mesure d’offrir à madame une défense pleine et entière…
… Parlons-en d’Émile Bergeron et de son « conjoint ». Ils s’affichent. Je trouve cela indécent!
Je n’ai pourtant rien remarqué de notable à cet égard; le train-train habituel. Ils dinent souvent ensemble et travaillent de concert à l’occasion. À ma connaissance ils n’agissent pas différemment et n’étalent en rien leur vie privée. En fait la seule différence c’est que tout le monde sait que leur lien est particulier.
Justement c’est ce que je disais!
Maitre Armand Boissonneau est toujours le même. Meilleur même depuis qu’il a quelque peu arrondi les angles de sa personnalité…
Je ne mets nullement en doute sa compétence. Quant à la crédibilité… enfin ce n’est pas sérieux!
Vous vous égarez maitre Massicotte… Si je ne vous connaissais pas de longue date j’affirmerais que vous êtes bourré de préjugés…
… Vous les protégez!
Ils n’ont nul besoin de ma protection. Pierre vous êtes un des meilleurs avocats de cette province. C’est aussi le cas d’Armand. Jusqu’à tout récemment votre entente professionnelle était sous le signe du respect mutuel…
… Vous êtes en train de me signifier de travailler sur les préjugés?
En quelque sorte. Réfléchir un temps avant d’agir?
… D’accord. Mais à l’arraché…
L’affaire est grave. Mon client a décidé de ne pas porter plainte heureusement! Inutile de vous dire ce que j’en pense!
… Je comprends cela.
Maitre Massicotte sort aussi vite qu’il avait fait irruption fracassante. Maurice Trudel se sent las subitement. Il se voit toutefois dans l’obligation d’accomplir une démarche des plus désagréables. De son cellulaire il communique avec Arthur.
Pouvez-vous vous trouver en bas dans quinze minutes?
Vous portez-vous bien? Votre coeur?
Ne vous inquiétez pas. Tout va pour le mieux de ce côté du moins…
J’arrive tout de suite.
Les yeux d’Émile s’agrandissent et il fige net lorsqu’il aperçoit leur visiteur inattendu.
Vous pourriez m’offrir un verre d’eau…
Pardonnez-moi. Vous êtes le bienvenu.
Armand?
Il dort : une migraine… Je vais le réveiller de ce pas.
Pas maintenant. Racontez-moi votre version des faits d’abord.
Il s’installe dans un fauteuil. Émile apporte le verre d’eau réclamé et lui fait face sur le canapé. Il entame sans préambule.
Nous rentrions de diner. Nous passions devant le bureau de Charlotte. Elle précisait à ce moment-là à son interlocuteur : « maitre Massicotte va vous recevoir dans quelques minutes monsieur oh pardon monseigneur Béliveau veuillez vous asseoir en attendant ». Le vieil homme s’est retourné faisant ainsi face à mon… confrère. Armand a subitement blêmi. Ils se sont regardés longuement et de manière insistante. Une impression d’incongru. Je me suis tourné vers Armand transformé en statue de marbre. J’ai paralysé. Tout a déboulé ensuite. Le prêtre est tombé à la renverse. Il saignait de la bouche. Armand est sorti en trombe. Charlotte et moi avons pris en charge le blessé. Nous l’avons conduit à l’urgence. Sa mâchoire est déboitée et il a perdu plusieurs dents. Je suis rentré ensuite. Il était assis ici même. Il fumait. Tout ce qu’il a consenti à me dire c’est de m’occuper de mes oignons et de lui ficher la sainte paix…
Armand l’air hagard la figure aussi froissée que ses vêtements sort de leur chambre. Se prépare un triple scotch. Les rejoint. S’assoit proche de son conjoint. Il engloutit la moitié de l’alcool avant d’émettre, le ton rogue.
Trudel, Massicotte et associés.
Le geste est grave et nécessite des éclaircissements.
Cela ne regarde que moi. J’ai mes raisons.
Au nom de notre amitié je vous les demande.
Armand ouvre la bouche comme pour commencer puis la referme. Il secoue la tête en signe d’impuissance. Émile se rapproche davantage. Son bras en arc autour de son conjoint. Le rayon vert plonge dans l’abime s’accroche à la lueur. La présence de La Pieuvre s’estompe jusqu’à disparaitre. Seuls subsistent les iris véronèse. Pour eux seuls il raconte.
Grégoire Béliveau. Monsieur le curé alors. Mon père m’obligeait pour faire pénitence car j’étais plutôt indiscipliné et sous peine de subir ses foudres à servir la messe du dimanche matin. J’avais neuf ans la première fois. Je devais arriver à six heures. Dès que j’avais revêtu la soutane il la relevait puis abaissait mon sous-vêtement. Il tâtait mes organes génitaux et me suçait accroupi devant moi. Il se redressait ensuite la figure couperosée. Il me plaquait alors le torse sur la table et me recouvrait de sa robe d’église et m’enculait. Il braillait pendant qu’il me violait. J’avais mal. Mais je subissais le supplice les dents serrés. Les garçons ne pleurent pas me répétait entre autres litanies mon paternel. Quand il avait terminé il s’agenouillait devant moi, me demandait pardon, jurait qu’il ne recommencerait plus, me suppliait de ne rien dire à qui que ce soit. Il m’embrassait les pieds. C’était abject. Pire que la sodomie. Je promettais pour qu’il cesse. Quand j’ai demandé à mon père de me libérer de cette obligation de servant il a refusé. Je n’ai pas été capable de lui dire pourquoi il le fallait absolument. Chaque dimanche… pendant plus de deux ans jusqu’à ce que je me casse la jambe délibérément… Aujourd’hui quand je l’ai reconnu… Le direct à la mâchoire est impardonnable. J’ai perdu le contrôle.
Armand, secoué de sanglots muets, appuie sa tête sur l’épaule de son conjoint.
Le silence perdure même s’il a été brisé près de quarante ans plus tard. Un très long temps passe. Une portion d’enfance violentée. Une mutilation volontaire en ultime recours. Une blessure irrémédiable, béante. Colmatée par un insignifiant coup de poing. Piètre cataplasme. Il prend conscience, soudainement de la présence incongrue. Qui se manifeste.
… Merci Armand. Ces confidences étaient nécessaires.
Maurice je…
Trudel, Massicotte, Boissonneau et associés. Avant que je n’oublie réunion des associés principaux vendredi matin dans mon bureau.
Vous êtes livide. À la maison?
Pour un court repos. Nous repartons ensuite.
Comme vous voudrez mais j’inscris mon désaccord.
Maurice s’accorde deux heures de sieste. Le poids de l’âge.
Une frimousse rousselée lève son minois vers le grand et vieux monsieur.
Ton père est là?
La fillette ne répond pas. Mais ramène son papa par la main.
Maurice!
Bouche bée. Trop longtemps.
… Vous pourriez m’offrir une oasis… et un fauteuil…
Toutes mes excuses… La surprise… Diane cours chercher un verre d’eau bien fraiche s’il te plait… Euh… Mais reviens lentement pour ne pas le renverser.
La petite fille de quatre-cinq ans s’élance. Rapplique presque illico mais les mains vides.
Avec des glaçons ?
Quelques cubes… Demande à ta mère de t’aider.
Je peux le faire toute seule!
D’accord mon amour… Nous serons dans mon bureau.
Débrouillarde…
Mais casse-cou!
La requête satisfaite sans trop de dommages elle s’esquive.
De quoi est accusé monseigneur Grégoire Béliveau?
Vous n’allez pas…
Oui. Et vous aurez la politesse de répondre et de m’écouter!
De possession de matériel pornographique… impliquant… des enfants… Heureusement qu’il n’a pas à répondre de… pédophilie…
Mais c’en est un.
Manifestement vous possédez des renseignements qui me sont inconnus.
Oui… Armand a rencontré son passé, aujourd’hui…
Qu’est-ce que cela signifie?
Qu’il a été victime de ce pédophile durant plus de deux ans avant la première messe de chaque dimanche alors qu’à l’âge tendre il faisait office de servant. Qu’auriez-vous fait, à sa place, même près de quarante ans après les faits?
La même chose… Je vais conseiller à monseigneur Béliveau de s’adresser à un autre cabinet… Quant à Armand je fais amende honorable. À mes yeux il est exonéré de tout blame…
L’autre objet de mes préoccupations maintenant. Je prends ma retraite le mois prochain. Je voudrais que vous réfléchissiez à une raison sociale différente : Massicotte, Boissonneau, Bergeron et associés…
… Jennifer McLean au lieu de Bergeron?
Vous quatre?
… Donnez-moi quelques jours de réflexion.
Réunion dans mon bureau vendredi matin.
À vos ordres maitre Trudel.
Rentrons-nous, enfin?
Oui.
Allez-vous finalement me raconter ce qui se passe?
Incurable curieux! Mais demain : je me sens las. Je bénis chaque jour que Dieu fait Arthur d’avoir le bonheur de vivre auprès de vous.
De même pour moi Maurice.
Maitre Maurice Trudel et Arthur Boisclair pour les autres son chauffeur. Plus très jeune lui non plus. Un demi-siècle d’amour profond et partagé. L’amour est éternel parfois.
Voilà, Messieurs, c’est décidé : Massicotte, Boissonneau, McLean, Bergeron et associés. Avant que je n’oublie : aucune manifestation pour souligner ma mise au rancart. De grace!
Un poids entrave en diagonale la liberté de mouvement de sa cage thoracique et presse en étau son épaule nue. Cauchemar. La prison à promiscuité. Non. Pas ça. Il soulève une paupière, puis une seconde. Des prunelles scintillent dans la mi-pénombre. Il s’éveille complètement. La pesée persiste. Le reste de la silhouette accoudée de flanc affiche un dénuement, du moins pour ce qu’il peut en apercevoir.
Un problème?
Aucun.
Alors
Je veux faire l’amour avec toi.
Tu es fou!
Non. Très sensé. (Il caresse la joue duveteuse.)
C’est impossible!
Je te répugne? Ton regard pourtant lorsque tu m’observes à la dérobée se montre fort éloquent du contraire! (Il effleure en cercles concentriques la soyeuse toison du torse.)
Tu m’attires follement je l’avoue… Ce n’est pas cela. Et tu n’ignores pas pourquoi ça l’est!
Alors faudrait signer tes aveux… Tu te sentirais obligé de le lui divulguer? (Sous le drap sa main épouse la forme à peine bombée du ventre).
Je ne sais pas… Non de savoir l’atteindrait trop… Je l’aime… Je refuse.
Je ne te demande pas en mariage seulement de baiser! Et l’occasion fait le larron… (Il repousse l’entrave, aventure une main vagabonde sur un long et doux organe intime.)
… Ne fais pas ça… Tu joues avec le feu!
Peut-être… (Sous ses doigts effleurant, le membre se gorge.)
… Arrête! … Je ne répondrai plus de mes réactions incessamment!
Je veux connaitre l’amour entre hommes. J’ai confiance en toi. Je ne te laisse pas indifférent… Et je te désire très fort. Ce sont des prémisses prometteuses! (Il accentue la pression.)
… Ta femme? (En ultime rempart.)
Est au courant que je souhaite ce genre de rapport et avec toi. Comprend… cette pulsion. Veut tous les détails… (Ses gestes deviennent carrément masturbatoires.)
C’est gênant!
Et bandant… J’ai envie de toi.
… Non comme ceci… Oui.
Tu acceptes, donc? (Il suspend.)
Tout ce que tu veux… pour que tu poursuives ton harcèlement… ou le transformes en agression sexuelle caractérisée!
Une bouche nettement gourmande remplace aussitot. La main libérée empaume les testicules. Le reste se déplace d’un demi-tour sur son axe. Il feule à l’emprise buccale indéniablement souhaitée et aux caresses pléthoriques sur ses bourses et dessous. Fellations passionnantes et passionnées jusqu’au gout du sperme. Dans sa gorge et dans celle de l’autre.
Ils mêlent leurs salives salées alors que leurs langues s’emmêlent et leurs corps aussi inextricablement que leurs membres virils s’accolent, leurs mains tâtent partout. Le désir récidive. Mutuel. Puissant. Inévitablement les attouchements se concentrent bientot sur les organes génitaux de l’autre. Émile gaine le sésame sur le pénis très bandé de son partenaire. S’étale au long, ventre au lit. Précise inutilement la voix rauque.
Sodomise-moi.
Son amant le monte. L’énorme phallus s’enfonce à l’intérieur de la voie de l’amour entre hommes, éjacule tout de suite. Trop vite. L’autre maintient son joug,toutefois.
Je vais te prendre encore, te déguster comme un savoureux dessert…
Le temps d’enfiler une nouvelle protection et de le mettre à nouveau il est ferme. Et actif. Trop. Le dessert déguste, plutôt : ça fait mal! Et excite aussi. Son désir pour lui, ce qu’il en subit et la perspective de le posséder ensuite. Râlant sourdement, son amant jouit entre ses reins, tout son être parcouru de soubresauts. Détente venue, il le libère, ôte le condom obsolète, agenouillé à son côté.
Émile se plaque dans son dos. Besoin impératif de fouir toutes affaires cessantes cet antre vierge. Le maintenant à la nuque, il le fait se ployer complètement, son arrière-train en étalage. Du geste, il lui fait écarter largement les jambes. L’appréhension devient tangible jusque dans la voix tremblotante.
Tu vas m’enculer?
À l’évidence… Pas t’assassiner douillet docteur! … Cela fait aussi partie de ce « genre de rapport »… Un échange de bons procédés en quelque sorte… Ce sera plus douloureux si tu te contractes…
Le presque sailli s’efforce à la détente. N’y arrive pas. L’exprime. Émile passe aux grandes manoeuvres. Sa langue sillonne la raie, le pénètre analement. Ses doigts massent au-dessous. Le sujet de ces gratifications procurées sans parcimonie aucune se met à geindre.
Crosse-toi.
Quand Émile l’enfile, la douleur se dilue dans le plaisir onanique. Il cesse de se masturber toutefois. Pour ressentir pleinement l’emprise sodomite. S’y abandonne de tout son être. Au delà de la souffrance, il ressent le plaisir de se donner à celui qu’on… Prennent conscience brusquement et en même temps de ce qui pourrait naitre et être entre eux. Ils s’immobilisent. La tête bouclée se détourne autant qu’elle peut. Le noir se noie dans les yeux du plus beau vert qui soit.
Émile réassure sa prise aux hanches. Va et vient itérativement à l’intérieur de lui. Bientôt en rut, il le pilonne vigoureusement, jouit de lui dans toutes ses fibres. Son amant hurle quand jaillit la sève exutoire de son propre orgasme, peu après. Un étau dans la gorge du pourfendeur. La boule refuse de se dissoudre. Même s’il faut remettre les choses en contexte…
Toilettes faites, ils reprennent leur emmêlement précoïtal.
Émile tu avais raison… C’est jouer avec le feu… Mais je ne regrette rien.
Moi non plus. Comment le pourrais-je?
Ils s’embrassent passionnément. Longtemps.
Explique Pierre Alban; je veux comprendre.
J’ai tendance à vouloir tout rationaliser. Mais aussi à justifier mes actes par des motifs qui me sont extérieurs… Mon attirance envers toi j’ai mis cela sur le compte de la curiosité… et celle-ci sur le dos de mon père en ce qui concerne sa sexualité différente…
C’est de la poudre aux prunelles! Poursuis le déballage.
Depuis mon éveil sexuel mon allégeance est double. Je n’en ai accepté qu’une moitié, celle que je voulais considérer comme « normale ». L’autre s’est camouflée dans la haine que je pensais à tort éprouver pour papa…
… Mieux vaut ne pas aller plus loin… je crois.
Non. Je sais que tu aimes profondément Armand. C’est d’une telle évidence! C’est ton homme comme Jolaine est ma femme. Et c’est très bien ainsi.
Le regard noir transperce, comme l’autre mais diffère. La voix s’adoucit.
Tes magnifiques yeux reflètent tes états d’âme… Je t’aime… aussi.
À mon coeur défendant je t’aime c’est vrai… Mais nous deux c’est impossible!
Faux. Tu as la créativité congelée!
À cause de toi… Tu me bouleverses!
Ils s’embrassent encore, éperdument, jusqu’à en perdre le souffle.
Des bulles de bonheur. De temps en temps. Rien que nous deux. Pour vivre aussi cet amour. Tout en préservant les autres… Émile?
… J’abhorre les cachotteries! Il devra savoir… si on approfondit ce lien… Il n’acceptera jamais!
Maitre Bergeron vous me décevez. Il y a eu pire procès!
Pas certain justement!
Réfléchis à ma proposition.
Et Jolaine?
Elle a probablement tout anticipé avant même que je n’en prenne réellement conscience. Mon oiseau de paradis est une sorcière blanche brune de peau. T’aimer ne lui enlève rien. Elle n’en doutera aucunement.
Qu’est-ce que tu fais?
J’adore le sucre d’orge…
Cela je le sens très bien! Mais on vient juste de…
Mais non c’était il y a un siècle! Tu déclines Émile…
C’est un coup bas! … Plus bas aussi s’il te plait… Oui comme ceci.
Pierre Alban bascule cul par dessus tête. Son organe engorgé à hauteur de bouche, prêt à savourer.
Procède Maitre!
Opère docteur!
Le silence qui s’ensuit se rompt de feulements et halètements de plaisir très sexuel. S’endorment repus et enchevêtrés.
Un pénis exigeant entre ses fesses. Émile sourit intérieurement : tel père, tel fils… Il s’empale sur le membre lubrifié mais non protégé incontestablement ravi. Qui commence à le marteler à corps joie. Émile lui demande d’appuyer sur pause. Pierre Alban cesse net. Laisse son amant expérimenté mener leur copulation. Émile s’y adonne et se donne à lui intégralement au rythme de son coeur. Pierre Alban le ressent et s’en émeut. S’abandonne au sexe. Et à l’amour.
Leurs regards fusionnent quand Émile le fait basculer à la renverse et le surplombe. Face à face. Pierre Alban accueille à son tour. Bassin et cuisses relevés, il se soumet à son Maitre aimant. Le dard glissant à l’intérieur de lui fait très mal mais le rayon vert baume. Je t’aime transmettent leurs coeurs par la voie des yeux au moment où culminent le plaisir et la douleur/joie.
N-o-n… Préoccupé… Prépare une cause… Essaye en tout cas.
Tu veux rire! Je te rappelle pour mémoire que tu es en vacances et que tu n’en as aucune de pendante et que tu ne recommences à pratiquer que la semaine prochaine! … Et que la tienne c’est f-i-n-i depuis près de trois mois! Et ça fait autant en nombre de jours que tu te mures en toi-même apparemment en proie au mutisme existentiel. J’ai employé la méthode qui me semblait la plus apte à te toucher!
… Oui, ma chair est faible. C’est bien là le drame.
Ton refus global me fait mal… Mon amour qu’est-ce qui se passe?
Une vie sans toi n’en serait pas une. Et je t’aime de tout mon être. Mais je dois m’accommoder de tes limites aussi légitimes soient-elles. Et mes pulsions sont maudites. Et tout est noué serré à l’intérieur.
Émile qu’est-ce qui te bouleverse ainsi?
… Vaut mieux ne pas en parler… Cela va sans doute finir par se désamorcer… avec le temps… Je…
Émile jusqu’à maintenant nous avons fait preuve de sincérité l’un envers l’autre. Une relation se batit sur des assises de franchise pas de dissimulation.
Je ne veux plus reconnaitre la souffrance dans tes yeux!
Mon amour ce ne sera pas la première fois que tu me blesses au coeur et sans doute pas la dernière. Je t’aime tel que tu es y compris les faiblesses de ta chair… Et en dépit de ta propension à m’en faire voir de toutes les couleurs.
… Mon coeur ne se divise pas il se multiplie…
Je sais et on en a déjà parlé. Depuis je soigne ma jalousie… Tu aimes donc mais tu ne veux pas vivre ta vie avec lui sinon tu ne m’aurais pas dit cela tout à l’heure.
Il se trouve dans la même situation que moi. Il a une partenaire de vie. Et c’est très bien ainsi. Sa proposition et je cite : « des bulles de bonheur. De temps en temps. Rien que nous deux. Pour vivre aussi cet amour. Tout en préservant les autres »…
Et tu le souhaites aussi.
Ils se regardent. La douleur et la torture respectivement.
Je dois en savoir plus… pour tenter de comprendre. Je veux connaitre ce qui te tourmente réellement!
La gorge sèche Émile assène le coup de grâce.
Pierre Alban… Je l’aime aussi. Et c’est réciproque.
Tu as séduit mon fils?
Pas moi, lui… Mais ceci ne change rien à la situation.
En état de choc et hébété Armand se ferme. S’éloigne à bonne distance jusqu’au bord du grand lit. Fixe le plafond. La boule dans sa gorge l’empêche de hurler. Il veut battre voire étrangler l’adultère incestueux silencieux à ses côtés. Le coup de poing rageur sur le matelas fait tressauter l’objet et le coupable. Qui se recule à l’autre extrémité.
N’aie crainte, je ne te frapperai pas! Bien que ce ne soit pas les raisons et l’envie qui manquent! … Et je n’ai aucune intention de mettre fin à notre « idylle » si c’est ce qui te fait peur… Je t’aime trop!
Armand…
Souffre maintenant d’une terrible migraine. Va quérir du Tylenol et un verre d’eau. Ce serait la moindre des choses!
Émile obtempère promptement. Quand il revient son toujours conjoint calé confortablement contre les oreillers fume. Le médicament absorbé « en trop forte dose je te fais remarquer » il se replace mêmement. Détaille le fautif immobile et nu devant lui des pieds à la tête. Il prend son temps.
Viens te coucher, je ne suis pas un ogre!
Émile obéit et s’installe à proximité rapprochée. Il sillonne de l’index les rides accusées. Sa gorge entravée fait mal. Le coeur saigne aussi.
Tu es plus proche de son âge que du mien… Je me sens vieux… Moins capable de te combler comme tu le souhaites…
Tu es l’homme de ma vie. Ce que tu racontes est tout faux! Tu es très loin d’atteindre ta retraite. Et jamais je n’ai été aussi heureux sur ce plan et sur tous les autres, que par et avec toi.
Alors pourquoi? Et surtout pourquoi lui entre tous?
J’ai fait preuve d’un manque de discernement. Je n’ai pas su renverser la vapeur avant qu’il ne soit trop tard… Quoique je pense que nous en serions arrivés à ce point tôt ou tard. Malheureusement. Que Pierre Alban soit ton fils c’est un facteur avec lequel j’ai du mal à transiger mais ce n’est aucunement une cause. Votre lien de parenté n’a d’une certaine façon que facilité l’occasion du rapprochement affectif.
Mon conjoint a débauché mon enfant. C’est là un fait! Armand ne te leurre pas. Ton fils a passé l’âge de l’innocence. Et de beaucoup. Et son attrait pour des êtres de son propre sexe est loin d’être récent. Il se refusait à l’admettre voilà tout.
Admettons. Je veux connaitre la problématique. Succinctement. Évite les détails trop… physiques.
Il a débarqué inopinément tard jeudi soir. Avait raté son bus pour Sherbrooke s’étant attardé chez un copain. Il a demandé l’hébergement gratis. J’ai accepté bien entendu. Il était un peu déçu de ne pas te trouver au nid car il voulait te parler. J’ai expliqué ta temporaire disparition en raison du congrès. On a pris une bière. Je l’ai ensuite laissé à son installation et suis retourné me coucher… Quand je me suis éveillé durant la nuit il se trouvait accoudé de côté à mes côtés… dénudé… Il voulait connaitre l’amour entre hommes et avec moi m’a-t-il précisé. Et l’occasion était là. Je n’ai pas levé le petit doigt pour empêcher d’errer sa main persuasive. Mes protestations verbales uniquement se sont attiédies en proportion inverse de l’insistance de ses caresses…
J’imagine! Pas de description.
Ma chair est faible…
Ce n’est pas l’épithète appropriée. C’est fort en dessous de la vérité et aucunement une justification.
Tu as raison… Au cours de nos… échanges nous nous sommes rendu compte que pour lui c’était beaucoup plus que le désir d’expérimenter et que pour moi c’était beaucoup plus que la complaisance à satisfaire sa curiosité… et sa libido. Que notre… désir sexuel mutuel ne constituait que la pointe de l’iceberg… Je l’aime. Et lui aussi. Aucun retour en arrière n’est possible lorsque de tels sentiments émergent. Et je ne veux pas d’une vie basée sur le mensonge par dissimulation.
Et Jolaine?
Accepte sa proposition sans restriction aucune et sans arrière-pensée m’a-t-il déclaré au téléphone cet après-midi.
Ce n’est donc que le conjoint doublé du vieux père qui est encore susceptible de poser obstacle… Tu veux que j’entérine que mon conjoint bien-aimé ait un amant d’occasion qui se trouve être comme par hasard mon fils?
Exactement.
Tu me fouilles en profondeur Émile… Est-ce que j’ai le choix?
Je t’aime Armand.
Et pour mon plus grand malheur moi aussi! … Tu as une autre calamité à m’annoncer pour ce soir?
… Euh… Non.
Alors on dort : je suis fatigué et je travaille demain!
… Ce qui veut dire que tu comprends?
Et tu voudrais que je signe en plus? D-o-d-o!
Émile finit par s’endormir au son des ronflements familiers irréguliers. Pierre Alban, Aglaé et, surtout, Armand. Son univers.
Armand contemple en surplomb le bel endormi dans la mi-pénombre des veilleuses. Émile. Qui s’éveille et entoure son cou de ses bras. Qui lui murmure « possède-moi ». Qui colle les jambes au long de son thorax. Armand le ceinture puis le soulève aux hanches jusqu’à hauteur de bassin où il peut le prendre. Ce qu’il fait. Avec lenteur et passion. Longtemps. Caresse des yeux le pénis bandé animé de tressaillements. La sève jaillit du sexe au moment où lui-même éprouve l’orgasme. Cette extase commune illumine leur regard de l’un à l’autre. L’amour en sort grandi parfois.
Allo!
C’est Pierre Alban… Est-ce que je dérange?
Qu’est-ce que tu veux?
Armand lui passe le combiné.
Ton amant veut te parler.
Émile change de pièce. Revient. Lui retend l’appareil.
Ton fils souhaite converser.
Mais enfin, qu’est-ce que tu veux?
Te dire que je t’aime.
Je sais. Et moi aussi. Autre chose?
Ne me traite pas en paria!
Et c’est toi qui dis ça?
À l’époque ce n’était pas clair mais aintenant oui. Je comprends que tu éprouves de la rancune envers moi… depuis que… tu as appris…
Que mon conjoint et mon fils forniquent ensemble?
Cela s’appelle faire l’amour… Et il n’y a pas juste ça!
Ne grimpe pas aux rideaux… Je comprends. Mais j’ai une réputation à soutenir… Ta mère et moi aurions dû te botter davantage le postérieur histoire de t’apprendre les bonnes manières! Comme celle qui consiste à s’interdire absolument de jouer dans les plates-bandes des autres!
Émile n’est pas une « plate-bande »! Et quant à me « botter le postérieur » il s’en charge et fort bien rassure-toi! Comme ça mon fils se trouve entre bonnes mains… Je suis rassuré oui. Bon. Trêve. Qu’est-ce qu’il y a?
Marcelline…
A appris que t’es, aussi, « homo »? … Excuse-moi. Une rechute.
… S’est fait cambrioler.
Que veux-tu que ça me fasse? C’est son problème! Elle est couverte d’assurances de toute façon!
La bande vidéo se trouvait aussi dans le coffre-fort…Quoi? Comment sais-tu ça? Et comment se fait-il qu’elle la possède encore alors qu’elle m’avait promis de la détruire?
… Possédait… Je n’aurais jamais dû lui confier… ce que j’avais vu… C’est aujourd’hui que j’ai appris comment elle t’avait « coincé »… comme suite à ma dénonciation… Ça m’écoeure cela aussi.
Laisse cela n’ aucune espèce d’importance… Par contre le vol en a… Bon. On verra. Incidemment si vous vous pointiez pour une visite disons la semaine prochaine j’en serais ravi. Émile aussi je présume. Ceci sans restriction aucune. Mon conjoint et ton amant pourrait d’ailleurs mijoter une autre de ses spécialités…
Laquelle?
La gourmandise te perdra… La luxure aussi. Des spaghettis dall’Emilio. C’est succulent!
Je salive déjà! … Euh… Pour la bouffe aussi.
Espèce de… de…
Samedi?
Vous serez attendus avec bagages… et sans armes brandies.
Papa… Merci.
Considérant le nombre de personnes que tu as conviées à cette « joyeuse boustifaille juste comme ça » heureusement que tu as prévu que ce serait des spaghettis!
« Dall’Emilio »… J’aurais dû t’en parler…
La moindre des choses que le chef soit averti des réservations avant de les confirmer!
Je me charge de l’épicerie…
Et du magasinage, aussi?
Comment ça?
Ils vont manger dans des assiettes de carton et boire dans des verres jetables et utiliser des ustensiles en plastique tes invités?
J’aurais dû t’en parler…
La moindre des choses! Tu manques de sens pratique!
Ils sont succulents tes spaghettis !
Et tu veux partager ton gout personnel excellent par ailleurs avec le reste de la population?
Je me sens l’esprit familial tout d’un coup…
Et tu es nanti d’une cervelle de dinosaurien!
Comment ça?
Ils vont s’asseoir par terre? … On va aussi acheter quatre autres chaises.
Non six des très grandes super confortables.
Six?
Une pour mon petit-fils.
Il n’est pas encore né! Et « il » pourrait être « elle »!
On doit prévoir… (!)… L’autre pour mon ami David… Il adore les pâtes…
… Je me rends… Récapitulons : avec ma jumelle et notre amante ainsi que sa famille reconstituée étendue de la petite amie du fils de sa fiancée cela fait quatre; ton fils et mon amant avec la future maman deux-trois de plus; avec ton ami David plus un-deux. En ajoutant nous deux. Beaucoup de monde presque la Cène! On s’en va faire les courses. Je préfère superviser : tu oublies toujours quelque chose!
Mais toi aussi!
Hum… parfois. Ouste!
Armand demeure statufié.
On n’a pas de temps à perdre!
Émile… Je crois que je suis devenu « dépendant affectif » de ta divine personne… Je suis à tes pieds, mon amour…
Ouais au sens littéral! Bas les pattes! C’est un crime de lèse-déité! … Plus doucement… Viens, là… que je règle ton problème de dépendance sexuelle…
Les vêtements dignement rajustés ils sortent main dans la main au nez et à la barbe du voisin quittant son appartement. Il fait une de ces têtes! Gardent la pose jusqu’au rez-de-chaussée quand même.
Tes spaghettis dall’Emilio : un pur régal des dieux païens!
Le chef se rengorge fier comme un paon. Son conjoint lève les yeux au plafond.
Maître Corbeau la flatterie te perdra! … Le stupre aussi!
Vas-y flatte… Je t’encourage!
Je ne voulais pas parler de ce genre-là!
Les deux?
Je préfère jaser à baiser… pour le moment…
Je suis d’un naturel accommodant… j’attendrai…
L’air martyr lui vaut une claque sur le « joli cul ». Ils s’enlacent tendrement.
Les pavillons béent conjoint.
Cette soirée…
Était merveilleuse!
J’allais dire fantastique… J’avais tellement besoin de ce ressourcement familial. D’être entouré de ceux que j’aime. Toutes ces sortes d’amour qui se tissent sur un canevas de tolérance humaine. Clémence de la vie parfois. Et nous l’avons célébrée…
De te trouver aussi heureux me comble. Moi aussi j’ai ressenti cela très fort. Comme aussi des échos d’un lointain passé quand nous étions réunis autour de la table avec toute la parenté…
À l’exception d’une chose : la « gaieté » ne dérange pas dans notre famille spéciale…
Et David a été parfait!
Cet âne bâté du voisinage! À onze heures et demie du soir tapage nocturne! Orgie et partouze quant à y être! Et la figure de l’agent de police, le même que l’autre fois, quand il s’est trouvé face à face avec l’impressionnant, même en tenue fort débraillée, lieutenant-détective David Ben Simon le responsable de la section des homicides du SPCUM en personne : inoubliable!
Et son « Ouvrez! Police! » en « frappant » chez notre charmant voisin : un morceau d’anthologie! Sans parler de sa description de la tête du dit quand il a insinué le « harcèlement privé » dans leur « conversation »! Maintenant qu’il sait que les tapettes d’à côté sont protégées en « haut lieu », il va peut-être nous ficher la paix!
Et la conjointe de ta jumelle… Elle gagne à être connue quand elle sort de sa réserve. Le jeune Adam en est resté baba. Sympa sa petite amie à celui-là…
Ils repassent tous les détails de leur soirée. Jacassent et renchérissent comme des pies. L’amour grise parfois. Leur union aussi. À coeurs battant au même rythme.
J’imagine que Jolaine va dormir sur le canapé…
… Euh… C’est ce qu’elle a convenu avec son mari à ce qu’il m’a rapporté…
Complot a donc été ourdi…
… Euh… C’est une façon de présenter les choses… J’allais justement t’en parler…
Va le rejoindre avant que je ne change d’avis… Reviens-moi au matin.
Je t’aime conjoint.
Moi aussi. Plus que tout.
Émile fait sa toilette. Se vêt d’une robe de chambre soyeuse à la couleur de ses yeux un cadeau d’anniversaire. S’éloigne sur la pointe des pantoufles pour ne pas réveiller le ronfleur. Jolaine ronfle aussi. Elle est belle. Son ventre commence à saillir de sa maternité.
Pierre Alban en nudité prometteuse étalée au long lui ouvre les bras. Aussitôt mis à nu Émile s’y jette littéralement. Corps et coeurs conjuguent la nuit durant. Rituels primitifs des sens exaltés exultés par et pour l’autre.
Épuisé et les muscles courbatus et endoloris il arbore aussi des marques d’effusions partout sur sa peau constate le conjoint.
Il n’y va pas de main morte ton amant!
On en est au stade Néandertal… Mais écrase je n’en peux plus!
Il s’affale ventre au lit. Le conjoint détaille le côté postérieur cette fois.
Tu as un suçon sur la fesse gauche…
Hé!
Maintenant, tu en as un autre sur la droite… Question de symétrie… Et ton antre intime rougeoie au pourtour d’avoir été profané gaillardement et à maintes reprises…
Écrase je n’en peux plus!
Si tu te jettes dans mes bras, j’arrête de t’asticoter… Et tu gagnes une chance d’éviter de passer à la casserole encore une fois…
Grâce!
Les bras accueillent l’agonisant, la poitrine sa tête.
Je suis d’un naturel accommodant… j’attendrai que tu récupères… un peu.
Misère!
Pierre Alban à l’instar de l’autre ne vaut guère mieux. C’est ce que constatent les conjoints respectifs hilares au petit déjeuner. Les deux maganés finissent par en rire eux aussi. L’amour taquine parfois.
Émile lui passe l’appareil.
Salut mon fils bien-aimé.
… Qu’est-ce qui ne va pas?
Mais, tout baigne!
C’est pourtant à se poser de sérieuses questions : tu n’as pas hurlé « allo »!
Mon conjoint a mentionné en passant que mon accueil téléphonique manquait légèrement de convivialité. J’essaie d’améliorer…
Quoi? Il a osé te dire ça et il a encore sa tête sur les épaules!
Je vieillis fils j’ai décidé magnanime de l’épargner de la décollation. Bon. Quel est le problème? … Tu m’appelles quand il y en a un d’habitude.
Faux, ça s’adonnait qu’il y en avait!
Alors qu’est-ce que tu veux?
Quel soulagement! Enfin je reconnais mon père! Je me trouvais à la limite d’une déstabilisation émotive totale!
Pauvre petit va! Un être si fragile… Alors?
Te souhaiter un joyeux anniversaire!
Merci! Mon conjoint me fait fête ce soir, tournée des grands ducs… plus quelques autres surprises, m’a-t-il promis… J’ai hâte!
Et j’ai hâte de te raconter…
Tu captives toute mon attention Pierre Alban.
Maman est débarquée à l’improviste pour rendre visite à « son petit chéri »… (Ne ris pas, je cite!)… Tu peux imaginer sa tête quand elle a zyeuté Jolaine précédée immédiatement de son énorme ventre…
Je la visualise aisément!
J’ai tenté de mettre les points sur les i… Mettons que mes sabots sont un peu gros… Bref j’ai tout déballé… En ce qui concerne notre mariage aussi.
J’avais compris.
… En incluant ton cautionnement paternel…
Ça, t’aurais pu esquiver!
Pardonne-moi mais c’est sorti tout seul… Je me trouvais sous l’emprise de la colère devant son incompréhension manifeste.
J’imagine qu’elle charge tout sur mon dos…
… À peu de choses près oui.
Sauf et je cite « l’engrossement de ta négresse ».
Mettons que tu la connais bien! Ce sont ses propres termes! J’ai vu rouge et fait une colère noire… Mon oiseau de paradis a réussi à m’empêcher de l’étrangler… Madame est repartie après avoir assené qu’elle regrettait presque que je ne sois pas… comme toi… Si je n’avais pas été aussi enragé j’aurais éclaté de rire… Tu crois qu’elle mettrait cela sur le compte de la contamination héréditaire?
Elle n’y manquerait pas!
Papa ça me fait mal! C’est ma mère! Et je l’aime, malgré tout! Un conseil pour réparer la casse?
Le petit-fils… ou la petite-fille. Le ou la lui mettre dans les bras… Elle t’aime Pierre Alban n’en doute jamais. Disons qu’elle est « un peu » chiante…
C’est bien ce que je comprends… Mais j’ai peur qu’elle rejette mon métis (ou ma métisse puisque l’échographie n’a rien révélé)!
N’aie crainte elle va le trouver « a-do-ra-ble, ma chère! Vous savez, les enfants de sangs mêlés sont les plus beaux du monde! Vous n’ignorez pas ma bonne amie que ma belle-fille fait partie de l’aristocratie ivoirienne! Et elle est si excentrique! Mon grand fils presque docteur je vous le rappelle en est fou littéralement! »…
Tra-la-la… Tu l’imites bien en tout cas!
On parie? … Entretemps n’essaie même pas de la contacter, elle va juste gamberger davantage.
Je ne parierai jamais avec toi je le jure : tu as certainement raison! … Un instant s’il te plait… Jolaine veut parler à Émile!? C’est bizarre…
Mais qu’est-ce qu’il y a d’étrange à ce que ta femme et ton amant s’entretiennent?
Papa!
Bon. Qu’est-ce qui se passe?
Jolaine m’appelle au secours! Elle est à quelques jours de son accouchement et il ne la quitte pas d’une semelle, « une vraie sangsue ». Ses attentions la rendent folle. Elle présume qu’un exutoire et un ami pourrait aider à ce que leur enfant ne naisse pas orphelin de père tentée comme elle est de lui jeter un sort fatal!
Tu comptes partir combien de temps?
Trois-quatre jours?
Cas de force majeure. Rien à dire. Pierre Alban ressemble à sa mère par certains traits de caractère… Je veux être tenu au courant. Pour le bébé s’entend!
Bien sûr, grand-père!
Allo!
C’est Émile…
Tu agonises?
C’est un Émilien!
Je le savais!
D’accord grand-père! Il est en parfaite santé. Pèse près de dix livres. Une voix de stentor. Un look du tonnerre!
On est assez costauds dans la famille!
Ouais… La mère rayonne. Quant au père il est à cran! Et moi j’ai vieilli d’une décennie! Je rentre : tanné de dévouement! Tu me manques!
C’est réciproque.
Gabriella, les lèvres serrées, le geste raide, lui tend le combiné.
Aglaé mon amour, je suis oncle et parrain et il est grand-père!
Toutes mes félicitations! C’est un Émilien donc. Jolaine se porte bien?
Elle rayonne littéralement! Pierre Alban se rengorge comme un paon fier comme pas un!
Aglaé rit. Sa fiancée boude à côté. La joie.
Nous avons toutefois une plainte double et formelle à enregistrer.
Qui se formule?
Tes « dépendants affectifs » se sentent respectivement abandonné et rejeté. Armand se désole d’être déserté de sa Grâce… et moi guère mieux de ton silence…
J’enregistre… Je vais voir ce que je peux faire… Je vous aime!
Nous aussi.
Aglaé…
Ella tu es ma fiancée et je t’aime… La plus grande partie de ma vie personnelle et professionnelle, je la vis avec toi en vase clos. Et j’en suis très heureuse…
Mais… Tu aimes ton frère et Armand aussi…
Oui. C’est un incontournable.
Pourquoi as-tu besoin de baiser avec eux en sus?
Je ne baise pas avec eux, je fais l’amour! Et ce n’est qu’une façon de communiquer… Et c’est celle qui nous rapproche le plus.
… Notre vie sexuelle n’est-elle pas satisfaisante?
Là n’est pas la question! De toutes mes fibres je te dis oui… Parfois aussi je suis en manque de mâles… Cela fait aussi partie de moi!
Ça me répugne… qu’ils te… touchent!
Et moi j’aime ça! Et cela m’est douloureux que tu rejettes cette dimension de mon être! Ce n’est pas parce que… excuse-moi.
Je transpose sur toi mes bibittes?
Disons que tu manques d’un certain recul. Tu juges et projettes en ne tenant compte que de ta propre expérience, des plus traumatisantes, soit…
… Et que, si je ne travaille pas sur les ajustements nécessaires, cela risque de compromettre grandement notre vie commune?
C’est crûment dit… Mais c’est la vérité.
Je t’aime Aglaé.
Je t’aime Gabriella… Mais pour l’heure j’éprouve un besoin impératif de communiquer avec mon frère, son conjoint et mes amants.
Quand reviendras-tu?
… Demain dans la matinée.
Ai-je un choix autre que d’accepter?
Non. Mais tu peux en faire un drame, ou t’en accommoder.
La porte claque, définitive.
Aglaé! … Tu as pleuré!
On en est au « ou ça casse ou ça passe ».
Nos liens posent problème?
Oui. J’ai mal!
Mais pourquoi cette jalousie?
Ce n’est pas juste de la jalousie, c’est pire! Et le pire, c’est que je comprends!
= Explique-nous.
Adam et Gabriella ont le même père… De l’homme elle n’a connu que ça. À partir de cinq ans! Sa soeur, elle aussi victime d’inceste, a tué accidentellement leur géniteur. Elle s’est pendue… L’enfer du passé perpétue celui du présent… Je l’aime! Je vous aime! Je ne sais pas ce que sera demain, ce qu’elle va décider!
La Grâce sanglote. Ne savent que faire.
Baisez-moi, idiots!
Au lit donc. Ils la déshabillent au grand complet. Se dévêtent à leur tour. La contemplation d’Émile la fait blêmir et se refroidir.
Armand mais qu’est-ce que tu as fait à mon frère : il est couvert d’ecchymoses!
Non coupable… C’est son amant primitif…
Émile tu as un amant?
Qui se trouve être comme par hasard mon fils…
Pierre Alban avec Émile!
J’ai été placé devant le fait accompli. En tout cas. Ils ont promis d’évoluer vers le Cromagnon…
Hein?
Comme suite à une double plainte dument enregistrée nos conjoints respectifs ont été instamment priés d’accélérer l’évolution de leurs rapports pour une époque un peu plus civilisée. Ça va faire le Néandertal!
Je n’en reviens pas!
Et ils s’aiment aussi… On peut continuer?
Un Émile tacheté mais aussi bandé que l’autre… Faites messieurs je vous en prie!
Ils se bousculent aux portes littéralement. Chacun emprunte la voie qui le et la comble. Elle feule et hurle de sa prise de possession duelle. Qui se répète inversement. Ses amants se montrent insatiables. Elle aussi.
Gabriella sidérée contemple le corps de sa fiancée.
Ceci reflète leur enthousiasme… Euh… Ils ne valent guère mieux sous cet aspect… J’ai régressé au stade du Néandertal… Je t’aime Ella! … Aie! Qu’est-ce que tu fais?
Tu avais un suçon sur la fesse gauche… Maintenant cela fait symétrique… Je travaille fort…
Doucement c’est sensible…
À ne pas en faire un drame…
Tes lèvres mon amour… Les autres aussi?
Tantôt.
C’est de la cruauté!
Aglaé la fait basculer à la renverse. S’attaque à ses seins. Puis à tout le reste. La déguste. Lèvres à lèvres, les autres. Elles recueillent la sève de l’amour de l’autre.
D’une certaine façon cela pimente notre vie sexuelle… Ne trouves-tu pas? … Aie! C’est interdit de mettre à mal mon royal postérieur! Gare au tien!
Elles se chamaillent hilares. Le lit se transforme en champ de bataille. Quand elles aperçoivent l’adolescent en statue ébouriffée à l’entrée de leur chambre elles se couvrent pudiquement du drap. Prennent un air angélique.
Qu’est-ce qui se passe? Vous faites un de ces raffuts!
= On régresse au stade primitif…
Devant sa mine éberluée elles pouffent. Adam secoue la tête gravement. Il pense visiblement qu’elles sont en proie à un soudain accès de folie. Elles s’esclaffent de plus belle. Le fils, et le beau-fils, s’esquive navré. Leur accès d’hilarité cesse finalement. Elles s’enserrent pleines de tendresse. L’amour interpelle parfois.
Allo!
Tu avais raison sur toute la ligne! Elle capote!
Bon. Tant mieux!
Non, c’est pire! Les oreilles de Jolaine sont devenues écarlates de tous les conseils dispensés sans parcimonie aucune par la grand-mère volubile! Et moi je vais l’étrangler! Elle se mêle d’organiser notre vie maintenant! Et cela fait sept jours que ça dure!
Mollo, les nerfs tu vas réveiller mon petit-fils!
Je suis très calme!
Tu veux un conseil?
Les pères c’est fait pour ça!
Bon. Demande de l’aide…
La police ne se mêle pas de ce type de violence familiale!
À son mari… Téléphone à ton beau-père et fait lui part calmement de votre problème. Il saura certainement comment rétablir la juste mesure avec sa tendre épouse… Et le fait que tu aies recours à son avis éclairé pourrait améliorer vos relations mutuelles… Rappelle-moi.
Voilà c’est fait. Il est venu cueillir sa « douce » moitié et voir son « petit-fils par alliance » du même coup. En tout cas il a la manière avec elle! Elle roucoule!
Un soupçon admiratif, on dirait…
… Ouais.. Marcelline n’est pas commode… Je lui accorde un certain mérite.
La cause étant entendue à la mienne maintenant : quand est-ce que je vais voir mon petit-fils?
Tu dois apprendre la patience, papa… Nous ne sommes pas équipés pour vous recevoir et nous ne pouvons pas encore le trimballer comme un colis!
Le mois la fin de semaine avant Noël?
On verra.
Émile en serait sûrement fort heureux lui aussi…
Tu m’appâtes! Je devrai mette mon fils à l’abri de ton influence! Quelle absence de sens moral!
Mes motifs sont nobles!
Je sais. Je considérerai sérieusement la question.
Tu crois qu’il va aimer les spaghettis?
Voyons papa, il n’a que neuf jours! C’est moi qui adore les… Traître!
Qui veut la fin… Alors?
Promis.
C’est Émile qui va être déçu… Cette inversion de priorité… la gourmandise qui l’emporte sur la luxure…
Félon! Ne me dénonce pas pitié!
Hé hé!
Les sourcils froncés Émile lui prend le combiné des mains.
J’ai assisté à l’échange en témoin médusé! Tu vas payer cher ta trahison misérable! Je ne cuisinerai pas de spaghettis!
Tu ne peux pas me faire ça! C’est trop cher payer! Du rôti alors? C’est succulent!
Si tu me prends par les sentiments…
Je vais te prendre de toutes les façons… Je salive déjà…
Comment oses-tu?
Pour te déguster j’allais dire…
C’est mieux! Je t’aime. Hâte de te baiser aussi.
Je t’aime. La conversation risque de devenir sexuelle…
Armand reprend. Fusille son conjoint du regard.
Ça va faire! Un peu de décence, quand même.
Nous arriverons demain après-midi.
J’ai réservé pour au moins Jolaine et mon petit-fils la chambre des maitres.
Merci. Salut.
Armand comprend en les voyant. L’épuisement.
Dur dur d’être parents n’est-ce pas? Donnez-moi ce trésor gigotant.
Son coeur de grand-père bat au rythme de l’émoi. Les autres n’existent plus. Tu as déjà des esclaves? C’est bien ça! Tu es magnifique! Les yeux de ton grand-papa! Le plus parfait bébé sur cette terre! Tu es bien trop couvert! Viens là on va arranger ça! Tu gazouilles comme un oiseau! Ça c’est de ta mère! Ton père est plutôt soupe au lait quant à lui!
Et ainsi de suite… Le trio de spectateurs sidérés contemple.
Il a la manière mon conjoint! Vous semblez avoir besoin d’un peu de repos…
Émile les entraine vers la chambre des maitres. Les deux se laissent faire. Il rapporte les bagages. Ils sont assis inanimés sur le lit. Il referme la porte sur eux. L’autre pouponne toujours. Son conjoint observe.
Tu pues bonhomme… Émile cherche les couches.
Le requis va chercher. Ils sont profondément endormis tout habillés. Il sourit.
Les couches!
Le conscrit obtempère. Trouve facilement. Rapporte.
Merci… Tu as oublié les serviettes humides! Et aussi un nouveau pyjama! Dépêche-toi!
L’ilote s’exécute. Déniche difficilement. Revient. Maitre Boissonneau procède. Son conjoint pince le nez.
J’ai besoin de la pâte d’ihle : ses fesses sont écarlates!
Le domestique obéit. Revient bredouille.
Alors, va en acheter!
Quand le conjoint est de retour le grand-père berce. La chaise craque : neuve de l’avant-midi.
Apporte-moi le berceau. Il dort.
Émile va quérir l’objet portatif. Armand le dépose doucement. C’est vrai qu’il est beau, ce poupon. Ils le contemplent attendris.
Jolaine possède certainement un sac où elle conserve des boites de lait et des biberons : Pierre Alban m’a appris qu’elle n’allaitait plus. Tu serais gentil de le récupérer.
Émile se dévoue. Le puériculteur en prépare quelques-uns. Émile observe.
Bon on peut pauser.
À peine affalés le cri strident les fait sursauter. D’autres hurlements suivent. Ils se précipitent alarmés. Armand le prend dans ses bras.
Il est malade?
Mais non, il a faim! Fais chauffer de l’eau au micro-ondes.
Pour quoi faire ?
Mais pour tiédir le biberon voyons! Il est beaucoup trop froid au sortir du réfrigérateur.
Les poussées vocales persistent. Se calment un peu. Reprennent de plus belle.
Dépêche-toi! Calme-toi bonhomme ça vient illico… Pierre Alban tout craché! Émile?
Les trois minutes suivantes sont assourdissantes. Mais leur porte demeure close. Émilien biberonne goulument, l’air extasié. Rassasié à la dernière goutte, seulement. Cligne des yeux. Non, non! Pas tout de suite : le rot d’abord! Armand tapote le dos jusqu’à ce qu’un borborygme sonore soit émis. Chaise berçante. Le dodo. L’autre chantonne une berceuse. Il doit s’y prendre à plusieurs reprises. Dès qu’il est déposé très délicatement dans son berceau il s’éveille et gazouille. N’accepte pas qu’on s’éloigne. Deux heures plus tard il dort à poings fermés.
Autant en profiter pour se reposer un peu… Il ne va pas tarder à se réveiller pour le prochain biberon… Bon. Tu gardes pendant que j’effectue quelques courses.
Et s’il émerge qu’est-ce que je fais ?
N’aie crainte il en a au moins pour une ou deux heures! Et je ne serai absent qu’une demie! … Requiers Jolaine s’il y a un problème.
Émile fait le vigile. Armand rentre soixante minutes plus tard chargé de paquets. Le conjoint aux sourcils froncés fixe toujours le bébé. Armand pouffe.
Tu es en retard!
Surveiller ne signifie pas épier chaque soupir!
Tu n’as pas précisé!
Désolé, j’ai oublié que tu étais néophyte en la matière.
D’accord l’expert prend la relève : je veux pisser!
Mais qu’est-ce qui t’en empêche?
On ne m’a pas relevé de mes fonctions!
Rompez, donc!
L’autre se précipite. Armand a peine à calmer son hilarité.
Un autre cycle identique plus tard Émilien repose de nouveau dans les bras de Morphée.
Autant en profiter pour préparer le souper.
Je suis exténué!
Mais, tu n’as presque rien fait!
Je t’ai aidé!
Bon soupe au lait on fait cela ensemble! Je dois avouer qu’il draine beaucoup d’énergie!
Ils s’activent aux préparatifs. Émile s’apprête à entamer la cuisson des pâtes.
Non. On retarde. Émilien va s’éveiller. On attendra jusqu’à ce qu’il se rendorme.
Tu es homme de sagesse!
Le repas à peine servi icelui ne l’entend pas de cette oreille. L’odeur alléchante le tire du sommeil alors qu’il vient à peine de s’assoupir. Il hurle!
Laisse Jolaine je m’en occupe.
Les agapes reprennent. Émilien en sus. Tronant dans les bras de grand-papa il examine son monde de toutes ses prunelle. Les parents ont récupéré un peu. Volubiles ils racontent leurs tribulations.
C’est toi qui t’es occupé de moi quand j’étais aussi petit?
Marcelline n’a jamais été très maternelle… au quotidien. Mais elle était plus patiente que moi quand venait le temps des leçons et devoirs…
Je m’en souviens!
Émilien a mouillé sa couche. Le grand-père procède. Bébé s’endort finalement.
Il fait ses nuits?
Cinq heures au plus.
Jolaine et Armand complotent à l’écart. Émile et Pierre Alban s’enlacent.
Couches-tu avec moi?
Émilien… Et Jolaine est fatiguée.
Je comprends. Je t’aime.
Je t’aime.
Pierre Alban s’apprête à s’installer.
Qu’est-ce que tu fais là?
Ben je me prépare à dormir! Autant en profiter pendant qu’il roupille. Je me lèverai au besoin : tu pourras te reposer!
Je me suis organisée avec ton père.
Sans m’en parler!
Cesse soupe au lait! Pour que tu te sentes libre de rejoindre ton amant avec la conscience tranquille histoire de recharger la batterie. J’en bénéficierai aussi.
C’est gentil!
Mais pas gratuit…
Qu’est-ce à dire?
Cela fait combien de temps qu’on n’a pas forniqué ô mon époux bien-aimé?
Trop longtemps.
Il lui saute dessus littéralement… C’est avec le sourire aux lèvres qu’elle s’endort.
Émile. Qui l’accueille à bras ouverts. Qui le désire. Qui le prend doucement. C’est bon. Pierre Alban sombre. Émile le rejoint dans le sommeil. Ils se rattrapent dès l’aube et durant toute la matinée. Amours plus tendres bien que plus intenses tel le lien qui s’approfondit. L’amour se transforme parfois.
Ils restent un autre jour en congé de maternité/paternité. Sortent « en amoureux ». Grand-père et conjoint dorlotent. Aux pieds du petit chou. Puis à terre quand les « tourtereaux » reviennent : complètement dans le cirage ils forment carré avec leurs corps remparts protecteurs pour l’être gazouillant en pleine forme lui. Jolaine procède diligemment aux soins. Pierre Alban berce. Puis repose dans son berceau son fils bien-aimé. S’occupe du papa ensuite : il l’aide à s’installer sur son lit de fortune « tout à fait accueillant » émet celui-ci avant son premier ronflement. Pierre Alban le borde comme lui a dû le faire aussi naguère… Il effleure sa joue tendrement. Il laisse Émile sur place pour le moment.
L’oiseau de paradis se déplume. Pierre Alban l’admire l’oeil allumé. Ses seins ont pris du volume. Son ventre bombe légèrement. Si belle. Vite dévêtu sans même un pagne.
Moi Tarzan toi Jane!
Elle éclate de rire. Son désir manifeste la fait frémir. Il explore la forêt dense. S’abreuve à la rivière de son plaisir. Besoin animal de la posséder.
Fuck!
Plus de condoms?
J’ai oublié d’en acheter!
Dans les tiroirs?
… Ça seulement!
… Ne protège pas contre les accidents…
… Je peux me retenir… Ouais… Ne dis rien : pas tout de suite une deuxième surprise… Caresse-moi de grâce!
Elle se retourne sur le ventre, plutôt.
Alors emploie « ça seulement »… comme avec ton amant…
Il flanche pour l’invite. Elle n’émet aucune plainte. Mais ça fait mal. Elle glisse une main sous son corps. Le plaisir affleure en baume. Quand elle orgasme ses contractions se répercutent et bouleversent l’organe et le coeur de son époux. Qui s’épanchent.
Je t’aime.
Il aide l’endormi à se relever.
Viens te coucher mon amour.
Le somnambule titube de sommeil. Dans leur chambre. Il procède au déshabillage intégral. Dépose un baiser sur les lèvres du prince charmant qui émerge à moitié et place ses bras en collier autour du cou en surplomb.
Ça va ?
C’est un despote doublé d’un tyran! Nous sommes ses ilotes dévoués et harassés. Pas tellement la fibre paternelle tout compte fait. Heureux d’avoir renoncé à la reproduction. Vasectomie commode. J’aime mieux être oncle et parrain. Adorable malgré tout. Suis fatigué…
Je ne comprends pas! … À moins que je n’aie à mon insu raté quelques cours importants sur la physiologie humaine je ne vois aucune raison pour laquelle le bel et avoué homo étalé prêt à déguster aurait eu besoin d’une telle intervention!
Pas un dessert. Parle trop quand ensommeillé.
Oui tu l’es. Suis d’une nature curieuse : satisfais mon intellect en plus de ma libido…
La paix! Je suis un vieil oncle à l’agonie et un parrain complètement vanné. Tu l’es trop : cela concerne ma vie privée.
Et un amant dont les sens démentent les propos. J’adore les secrets d’alcôve!
Le reste a du mal à suivre. Écrase pour l’étalage de mes péripéties personnelles.
Ton état manifeste encourage l’agression multiple caractérisée… J’en déduis considérant que j’ai une excellente mémoire et de très potables connaissances en matière de corps humain que tu as déjà connu charnellement au moins une femme et probablement un bout de temps pour que tu songes à ce genre de contraception pour le moins radical.
Applique plutot tes connaissances sur l’anatomie de ton amant en manque Sherlock.
Attends un peu… Je veux savoir comment tu trouves cela avec une femme.
Tortionnaire… Je n’ai jamais fait l’amour qu’avec une seule. Celle que j’aime. C’est une forme de communication entre nous. Pas l’unique, loin de là. Et si cela peut satisfaire ton insatiable appétit de savoir je ne me fais pas violence pour la désirer et la posséder : ça vient tout seul!
Jamais mis en doute tes capacités! Tu parles au présent. Qui est-ce? Ne dis rien je devine ton secret sulfureux et incestueux. Armand le sait?
Bien sur! On peut déguster le dessert maintenant?
Tu dois d’abord passer à la casserole.
Volontiers mais agis!
Non toi. Empale-toi sur moi.
Le reste de la nuit se passe à s’accoupler à corps et à coeur joie. Au matin Pierre Alban laisse dormir son amoureux transi et moribond pour honorer son épouse ensommeillée et très accueillante grâce à un unique condom récupéré dans l’autre chambre. Ils finissent de justesse avant le premier hurlement trop matinal. L’amour roule en formule un parfois.
Pierre Alban.
Bonsoir, papa. Content d’entendre ta voix.
Et moi la tienne. Pourquoi?
Pourquoi quoi?
Est-ce que je n’ai pas eu de vos nouvelles depuis six semaines?
Je voulais d’abord régler mes problèmes!
Et les pères ça sert à quoi?
À téléphoner aux fils ingrats soupes au lait par hérédité pour s’en inquiéter!
Qu’est-ce qui se passe? Émilien?
Notre enfant se porte on ne peut mieux, maintenant.
Il a été malade?
Fièvre importante, vomissements, diarrhées, crises de larmes et tutti quanti. Pendant deux semaines. Aucune explication. Probablement d’origine virale…
Tu as mentionné « mes problèmes »…
Les parents de Jolaine débarquent en ville la semaine prochaine. Ils viennent évaluer la situation de visu.
Qu’est-ce qu’ils savent?
Jolaine a écrit à sa mère le mois dernier. Une longue missive lui faisant part le plus délicatement possible de sa maternité, de son mariage… et de tout son amour. Elle a également sollicité son assistance pour l’apprendre à son père.
Qu’est-ce qu’ils ignorent?
Ma couleur de peau.
Bonne chance… D’autres aléas?
Je ne sais pas si c’en est un…
Dis toujours.
Je prends une sabbatique d’un an. Médecine c’est exigeant. Et on n’est pas trop de deux pour s’occuper d’Émilien. Ce n’est pas juste que Jolaine assume ce fardeau tout seul.
C’est une sage décision. Tu muris.
Je craignais de te le dire… Maman a très mal réagi disons.
Je ne suis pas ta mère!
En tout cas tu n’en présentes aucune caractéristique! Heureusement!
D’autres difficultés?
… Oui… Financières. Mais c’est ma responsabilité. On serre la ceinture. On va s’en sortir. Je cherche un travail à temps partiel.
J’ai…
Non! Je le répète, c’est ma…
Mon petit-fils sera élevé dans l’aisance. De par sa naissance c’est son droit!
Et de quel droit?
Le mien. Celui que confère l’autorité paternelle et grand paternelle! Tu assumeras quand tu seras en mesure de le faire!
C’est est beaucoup plus difficile d’accepter que de donner Pierre Alban… Quand es-tu allé retirer de l’argent de la banque pour la dernière fois?
Quelques mois… On vit sur les derniers deniers de Jolaine.
J’y ai viré quelques mois auparavant de quoi dorloter mon petit-fils et permettre à mon fils bien-aimé de voir venir pour un bout de temps. Ces virements seront périodiques.
… Papa… je…
La cause est entendue! … Bon. Ton amant veut te parler… Rappelle-moi pour me raconter la collision frontale avec les beaux-parents.
Je n’y manquerai pas… Merci. Pour tout.
Je t’aime. C’est tout.
Il laisse roucouler les pigeons.
Triple choc culturel…
Commence par le premier.
Quand ils ont aperçu Jolaine à l’aéroport!
Elle n’a pas changé de peau pourtant.
Mais de look et d’oripeaux. Pas vraiment BCBG pour une future neurologue. Et maternité oblige elle fait plus femme que jeune fille.
Et le second?
Notre fils chocolat crème qu’elle trimballait dans la poussette a manifesté de sa « douce voix » son mécontentement à être ainsi laissé pour compte dans ces retrouvailles. Il a souri à ses grand parents trônant fièrement dans les bras de sa maman esclave. La grand-mère a caressé sa joue. Il a saisi son doigt ce qui lui a arraché un sourire. Cela n’a pas été le cas du grand-père ivoirien. S’il avait pu blanchir il le serait surement devenu…
Et le troisième a été de te rencontrer. Ils avaient surement déduit la couleur de ta peau à ce moment-là mais pas que le futur médecin ressemblait à un joueur de rugby.
Je ne ressemble pas à un joueur de rugby! Et je suis ton fidèle portrait de jeunesse!
C’est ce que je disais…
Tu es plus petit et trapu!
Moi trapu!
Ça va faire soupe au lait. Bref tu as raison et tu dépeins bien le portrait hormis la profession.
D’accord. Après le silence béat et bouche bée de rigueur que s’est-il passé?
Tout au long du trajet de retour, ils ont enfin plutot elle et fort civilement posé des tonnes de questions sur notre vie, histoire de s’assurer que leur fille bien-aimée demeurait quand même saine d’esprit hormis ses excentricités!
C’est vrai qu’elle est excentrique Jolaine.
Le père de mon oiseau de paradis ne pouvait s’empêcher de me regarder comme un extra-terrestre. Sa mère fixait mes mains plutot que mon regard. Embarrassant.
Parce que tu as tendance à gesticuler quand tu parles.
Je ne gesticule pas j’illustre mon propos!
En tout cas.
Avec armes et bagages nous les avons menés à l’hôtel. Jolaine est restée avec eux. Émilien et moi sommes rentrés. Moi avec un net soulagement lui avec plein de récriminations au coeur : sa maman s’éloignait de ses yeux. Jolaine est revenue très secouée de cette confrontation. Son père surtout prend très mal la situation. Il avait d’autres visées pour sa fille bien-aimée…
Mais il y a Émilien.
Tu as tout compris. C’est un incontournable. Et leur sang coule dans ses veines.
J’en déduis que c’est un autre qui devra transiger avec le « fait accompli »… Ce sont tes propres termes…
Avocaillon! Sa mère comprend mieux. En aparté elle a signifié à sa fille qu’elle intercéderait en sa faveur tout en ne minimisant pas la faute…
C’est beaucoup.
C’est ce que Jolaine assure… Ils lui ont demandé si elle comptait s’établir définitivement au Québec. Elle leur a confirmé que rien n’était changé de ce côté juste retardé un peu. Qu’elle terminerait ses études et moi les miennes. Et que ce n’était pas exclu loin de là que nous allions ensemble passer un certain temps à Abidjan… Quoiqu’elle envisageait aussi de revenir ici style moitié-moitié… En tout cas on est encore loin d’une acceptation pleine et entière ainsi que d’une entente cordiale… Mais on va y travailler.
Dans les circonstances c’est ce que vous pouviez obtenir de mieux.
Je crois… Jolaine est sur les genoux depuis qu’ils sont repartis : trop forte tension… Ce qui va s’arranger également.
Je n’en doute pas! Ton amour pour elle… est infini.
C’est le plus important… Je peux parler au tien?
Oui. Mais un autre est encore plus fort : celui d’un père à un fils…
Moi aussi je ressens ce sentiment pour le mien et l’inverse. Je t’aime…Émile! … Je te le passe…
Ton conjoint joue sur les mots!
Déformation professionnelle sans doute…
Et il te passerait à nous pour quelques jours la fin de semaine prochaine?
Comment ça « passerait » et comment ça « à nous » enfin à vous?
Dans le sens où nous serions heureux de te voir! Susceptibles les avocats! Pas les légumes s’entend!
Ce sont des fruits!
Et cela se cultive, les avocats?
Pas de répartie… Je t’aime.
Tiens tiens l’argument ultime quand on se sent en terrain miné et au bord de la déroute : la charge émotive!
Et j’ai envie de te botter le postérieur de verte façon histoire de t’apprendre le respect dû à ton amant et amoureux transi!
Raconte comment tu vas t’y prendre je bande déjà.
Pierre Alban un peu de décence… Comme la première fois que je t’ai enculé douillet docteur… Je t’aime.
Et je vais ensuite te déguster comme le fruit maitre… Je t’aime et t’espère.
Puis-je partir quelques jours?
Pourquoi sollicites-tu mon satisfecit?
Je m’assure que tu n’y vois pas d’inconvénient majeur c’est la moindre des choses, conjoint!
À vrai dire j’en suis fort aise…
Comment ça?
Soupe au lait je te taquine. Je n’ai rien contre la solitude. Je l’apprécie même du fait que je sais que je vais te retrouver… peut-être pas au meilleur de ta forme quoique cela s’améliore depuis le stade Cromagnon et au bord de l’homo sapiens… Tout compte fait… Je pourrais en profiter… Comment s’appelle ce bar-rencontre où tu as jardiné à maintes reprises avant que « nous nous mettions » ensemble?
La Traque. Armand je ne suis pas d’un tempérament jaloux! Je n’exige de toi qu’une seule chose : si tu bêches ailleurs que dans mon jardin protège-toi… Et puis sois prudent : ne ramène personne ici c’est trop luxueux va à l’hôtel plutot… Et reviens-moi.
Triple oui. C’est toi que j’aime!
Tu me raconteras? J’adore. Et c’est toi que j’aime. C’est toi ma vie. C’est ma seule certitude.
… Tu crois que mon charme fou « naturel » peut vraiment opérer?
… Si tu prends ton air inné certainement pas : tu fais peur! Un zeste d’amabilité supplémentaire aiderait.
Tu me trouves beau?
J’ai flanché pour toi je te le rappelle. Pour moi tu es magnifique à l’intérieur comme à l’extérieur.
Pour toi…
Que veux-tu que je te dise de plus! Que tu réunis la quintessence d’Alec Baldwin, de Brad Pitt et Leonardo DiCaprio en un tout harmonieux?
J’ai peur de me retrouver Gros-Jean comme devant…
Parfois, on trouve de quoi garnir son lit d’autres fois non. L’idée c’est de ne pas forcer le destin et de laisser les choses venir…
… J’ai très envie de vivre… cette expérience.
Bonne chasse!… Euh… Comment est-ce que je m’habille?
Misère! Décontracté ton élégance « naturelle » ou presque…
Son regard empreint de convoitise détaille la magnifique nudité étalée au milieu du grand lit. Le dard éloquent pointe davantage sous l’examen élogieux. L’autre scrute aussi chaque méandre de l’être nu debout devant lui désirable. Le désir flagrant focalise son attention. Il se pourlèche les lèvres. Leurs yeux fusionnent. Puis leurs corps aussi. L’un sur l’autre puis l’inverse verges et lèvres accolées. La tension flambe entre eux.
Armand gaine son organe viril du condom que l’autre lui tend. Son amant attend étendu sur le dos, bassin relevé, jambes écartées, cul accessible. Armand fixe le pénis brandi et frémit. Il l’enfourche. L’autre gémit de sa dure saillie. S’ouvre davantage aux assauts amoureux irrésistibles. Armand orgasme entre ses reins en criant. Le libère de son emprise après avoir placé le sésame sur le sexe tendu à l’extrême. À croupetons Armand accueille à son tour le joug sodomite et bienvenu. Son partenaire le met avec passion. Puis s’immobilise. Armand se donne, s’empale itérativement sur l’axe rigide à l’intérieur de lui. Jusqu’à ce que l’autre reprenne le contrôle de leur coït le rut devenu irrépressible. Il se répand. Le membre vibre dans les intimes profondeurs.
Essoufflés, ablutions sommaires accomplies ils s’enlacent. Tendresse tangible et mutuelle. Il sillonne de son index la ride profonde. Armand sourit, frôle la joue à la fossette rieuse. Le sourire s’élargit.
Heureux de te retrouver ex-voisin.
Anthony…
Serre-moi fort. Ne dis rien encore.
Arrivé au bar-rencontre vers vingt-trois heures Armand intimidé pour la première fois de sa vie s’était isolé dans un coin avec scotch généreux à la main et coude appuyé sur un comptoir. Musique agréable de jazz. Atmosphère feutrée. Éclairage flatteur. Des lieux civilisés. Beaucoup de couples enlacés. Des hommes de tous les âges dont certains à l’accoutrement coloré et d’autres vêtus sobrement. S’était découvert un plaisir pour observer la faune.
Un duo avait attiré son attention. Il s’était d’abord concentré sur l’éphèbe. L’air d’un ange. Un peu efféminé. Vêtements collés au corps. Superbe pour ce qu’il pouvait en apercevoir. Un morceau de choix. Chanceux. Il avait suivi du regard la main délicate qui pressait l’entre-jambes de la conquête probablement récente. L’autre s’était penché et avait tendu les lèvres. Alors qu’il se laissait embrasser son regard vagabondait. Il avait rencontré les yeux ténébreux non loin. Les pupilles agrandies par la surprise. Cavalièrement Anthony avait repoussé l’étreinte de l’être éthéré. S’était levé. Avait marmonné de vagues excuses. Était venu à sa rencontre.
Ils s’étaient étreints. Ils s’étaient éperdument embrassés soudés l’un à l’autre. Le désir sexuel s’était imposé d’une mutuelle violence. Anthony l’avait entrainé au-dehors. Ses yeux avaient glissé par-dessus la tête du laissé-pour-compte sidéré. (Dur dur pour l’ego de se retrouver plaqué pour ce laideron quinquagénaire!)
Un taxi en maraude. Anthony avait fourni la même adresse. Ils s’étaient tripotés tout au long du trajet plus ou moins conscients des oeillades choquées dans le rétroviseur. À destination ils ne s’étaient pas aperçus de l’arrêt du véhicule : ils s’embrassaient passionnément.Ça va faire les tapettes. Réglez et allez forniquer ailleurs que dans mon taxi! Armand embarrassé lui avait tendu un billet de vingt dollars. L’autre s’était apprêté à rendre la monnaie.
Laissez. Excusez-nous…
De rien… Bonne nuit!
Surement!
L’automobile s’était éloignée sur les capots de roue alors qu’ils restaient plantés sur le trottoir incapables de se désunir. Ils étaient entrés finalement. Anthony le tenant par la main l’avait mené jusque dans sa chambre. Il s’était dévêtu rapidement. Armand aussi. Le reste s’était ensuivi…
Anthony interrompt sa rêverie. Lui tend familièrement une cigarette allumée. Armand sourit. Un geste d’habitude retrouvé.
Tu es demeuré très cher à mon coeur.
Toi aussi… Mais je ne m’en rends compte que maintenant Anthony…
Je ne te fais aucun reproche… J’ai déduit de ton départ précipité ainsi que des regards peu amènes des occupants restants qu’ils avaient découvert le pot aux roses…
Le pot, seulement… Mon fils nous avait vus faire l’amour… Ma tendre épouse a fait en sorte d’immortaliser nos fols ébats sur pellicule… comme suite à sa dénonciation…
Stars de cinéma porno spécialisé sans le savoir…
Disons que c’est une façon de présenter les choses.
Spécial ton image médiatique… Un chevalier romantique d’une certaine façon… Toute la communauté homosexuelle était à l’affut du moindre fait, propos ou potin entourant le procès des jumeaux fratricides par compassion. Beaucoup aussi se trouvaient dans l’assistance… dont moi. Nombre d’entre nous ont été confrontés au même genre de situation…
Toi?
Oui et non… Quand j’ai rencontré Michel peu après la fin abrupte de notre liaison il était séropositif. Depuis sept ans. Il me l’a avoué d’emblée. Nous avons vécu six mois ensemble. Toute une vie. Dans le rire et le bonheur total. Encore plus intense parce que nous étions conscients de l’échéance inévitable. Un après-midi quand je suis rentré une feuille de papier dépliée posée sur la table à côté de la panoplie habituelle de médicaments, a attiré mon attention. Les résultats de sa dernière analyse sérologique. La frontière qui sépare séropositif et sidéen. Je l’ai trouvé dans le garage clos au volant de sa voiture, le moteur en marche… Et j’ai eu envie d’y monter, de me serrer tout contre lui. Et de le rejoindre… Mais je tiens trop à la vie même bancale de son absence… Fin du grand déballage… Toi et Émile Bergeron vous étiez ensemble…
Nous le sommes toujours. C’est mon conjoint bien-aimé.
Alors que diable faisais-tu dans ce bar?
Comme il passe la fin de semaine chez son amant j’ai décidé d’en profiter pour vivre une nouvelle expérience… Je n’étais jamais allé dans un bar gai…
Spécial… T’es tombé plutot sur une vieille première expérience.
Ai-je l’air de m’en plaindre?
Pas particulièrement…
Un doux baiser conclut.
Mais je suis fatigué… j’ai travaillé toute la journée!
La même profession?
Certainement puisque j’adore! … Ce que tu me fais aussi… Tes lèvres? … C’est curieux l’épuisement disparait brusquement… Tes doigts aussi?
Armand lui fournit également de quoi se taire et de quoi fouiller.
Tu ronfles!
Moins fort que toi!
Non bien plus! Mon conjoint a osé enregistrer mes émissions nocturnes une fois… Il a d’ailleurs failli en perdre la tête… Tu émets des ronflements sans commune mesure avec mes douces vibrations. J’aime ça! Je vais pouvoir lui dire qu’il y a pire que moi!
… Tu vas lui raconter!
C’est la moindre des choses.
… Pas dans tous les détails quand même!
S’il le demande.
C’est spécial … Et bandant.
Armand constate et accentue. L’enfourche et enfouit son pieu au tréfonds de lui. Son va-et-vient incessant provoque un raz-de-marée. Anthony crie son prénom, l’interpelle à l’âme. Armand a l’impression de comprendre vraiment Émile pour la première fois. Que le coeur se multiplie. Et qu’il peut vivre cela aussi. Sans que rien n’entache son amour pour son conjoint. Lorsqu’Anthony jouit de lui, dans les profondeurs de son antre intime et lové contre son corps Armand lui murmure « je t’aime ». L’autre fait écho.
Quand ils se quittent en matinée avancée ils s’étreignent sur le trottoir. Anthony, en robe de chambre. Mais qu’importe. Le taxi se gare à côté.
Anthony je reviendrai si tu le veux…
J’en serais très heureux Armand… D’autres moments de bonheur avec toi seraient précieux.
Ils s’embrassent avec passion.
Hey les tapettes le compteur tourne!
Ils s’esclaffent. Le même chauffeur qui lève les yeux au toit. Armand monte et fournit son adresse domiciliaire.
Nuit torride on dirait…
Nuit d’amour.
… J’imagine que c’est la même chose que… quand… avec…
Oui.
Viens-tu dormir?
« Dormir »?
Ben oui, qu’est-ce que tu veux faire d’autre la nuit ?
Bien sûr… La paternité t’épuise sans doute…
Oh non! De ce côté on s’organise nettement mieux… Et puis Émilien est en vacances chez sa grand-mère jusqu’à demain… On va se coucher ?
Un peu mieux… Qu’est-ce qui se passe mon amour?
… Rien.
Ils se dévêtent puis s’installent au lit. Séparés par l’infini.
… Tu ne m’aimes plus ?
Je t’aime plus que jamais. Je m’interroge c’est tout.
Sur notre liaison?
… Oui… et non.
C’est pour en parler que tu m’as invité?
… Oui… et non.
Tu me fais mal. Est-ce bien nécessaire?
Non… Pardonne-moi. Ce n’est pas toi le problème c’est moi.
Arrête de tourner autour et déballe franchement!
… Je me découvre… jaloux.
Hein? Mais de qui? De quoi?
…. Jolaine…
Un autre homme dans sa vie? Tu ne l’avalises pas?
… Pas encore… Quant à l’accepter… je ne sais pas.
Notre liaison pose problème en termes de réciprocité d’échange?
… Oui… et non. Je ne sais pas comment aborder… C’est un peu mêlé…
Alors dis comme ça sort!
Jolaine n’a connu charnellement qu’un seul homme.. Elle a décidé d’élargir ses horizons. M’a fait part qu’elle éprouve une attirance certaine pour… quelqu’un…
Tu as de la difficulté à envisager qu’un autre la possède?
… Oui. Cela interpelle profond. D’autant plus que… c’est aussi situationnel…
Je comprends de moins en moins!
… Ce « quelqu’un » c’est toi. Et la situation c’est notre lien amoureux…
… Elle envisage… euh… la phase communautaire?
C’est son souhait… Si tu te montres d’accord bien entendu… Et à l’occasion.
… J’aime beaucoup Jolaine c’est certain… Et elle est très attirante sans conteste… Mais… elle est femme…
Douterais-tu de tes capacités? Il y a Aglaé, pourtant…
C’est différent… Notre lien est autre… Et unique en ce qui me concerne… Sincèrement oui… Quoique ta si virile masculinité pourrait fort probablement suffire à rétablir le balancier… Mais là n’est pas l’important!
…. J’éprouve un sentiment de jalousie envers toi… Ce n’est pas juste une question d’amour physique…
C’est ce que j’avais déduit! … C’est difficile de comprendre vraiment que le coeur se multiplie et non se divise. Et encore plus dur est de ne pas en souffrir.
Oui… Armand le comprend lui.
Faux Armand y travaille. C’est toute une nuance! Quoi qu’il en soit le premier pas c’est de l’accepter. Et d’aimer profondément l’autre aide grandement à passer au travers de la souffrance. Celle qu’il ressent et celle que j’éprouve du fait dans notre cas. Un lien solide et cohérent ne se bâtit pas très facilement. Et surtout pas tout seul! … La balle est dans ton camp, doc…
… Je vois plus clair je crois… Et c’est pire.
Jolaine a sans doute dû t’offrir le choix… dans un premier temps du moins…
Oui… Elle me connait trop bien… C’est une sorcière!
Alors exerce ton libre arbitre… Tes limites seront les miennes. Et les siennes probablement. C’est l’amour aussi : attendre que l’autre soit au diapason.
On dort… Émile serre-moi très fort.
Quand Jolaine rentre vers minuit de sa soirée cinéma et souper tardif solitaire ils reposent dans les bras l’un de l’autre constate-t-elle. La porte est demeurée béante. Et accueillante, pour elle. Je t’aime Pierre Alban. Sa gorge se noue. Elle s’en veut de provoquer la souffrance perceptible dans ses beaux grands yeux de jais. Une telle flambée de désir pour lui pour eux l’envahit toute qu’elle en a peur. Prend un bain pour se calmer. Sans succès. Ils dorment toujours mais séparés cette fois. Nue elle se glisse entre eux sous les couvertures.
Durant la nuit à la lueur du clair de lune elle voit briller le regard de Pierre Alban en surplomb. Il se penche et joint ses lèvres aux siennes. Sa virilité s’éveille contre la cuisse de sa bien-aimée. Son bras par-dessus elle rencontre l’épaule de son homme. Qu’il caresse. Émile se love tout contre Jolaine et recherche aussi le contact avec son amant. Le désir. Plus intense qu’il ne s’y attendait. Pour lui. Pour elle.
Ils s’unissent par elle et à travers elle. Amours violentes et douces. Qui interpellent le coeur dans ses limites et les étirent. Sous les yeux du tiers aussi les couples se forment et s’interchangent. Se prennent et se donnent. Sans restriction aucune. Sans retenue non plus. Ils s’endorment emmêlés en matinée avancée. Épuisés de sexe mais surtout secoués par les fortes émotions ressenties de leur fusion. Reforment d’autres combinaisons insatiables au sortir du petit déjeuner et jusque tard en après-midi. L’amour se multiplie, parfois.
En rentrant, Armand ne remarque pas tout de suite la feuille de papier pliée en trois glissée sous la porte d’entrée. Il se confectionne un triple espresso puis retourne chercher le journal qu’il avait déposé sur le guéridon. Il aperçoit alors l’objet incongru. Au fur et à mesure de la lecture de la lettre son sang se retire de son visage le laissant livide. Il saisit le téléphone d’un geste vif.
Merci de me recevoir chez toi.
J’ai déduit de ton appel et du ton de ta voix que c’était grave et urgent! Viens t’asseoir.
Armand le suit dans le vestibule puis au salon. Il ne peut s’empêcher malgré ses préoccupations de s’exclamer.
Impressionnant n’est-ce pas? … C’est à ma mesure!
Le lilliputien au pays du géant pose les fesses sur un fauteuil à largeur de causeuse. David prend une chaise aux dimensions d’un banc de parc doublé d’un autre en parallèle.
Je t’écoute mon ami.
J’ai besoin à la fois de ton aide personnelle et de ton expérience professionnelle… J’ai trouvé ceci en rentrant ce matin.
Tu rentres l’avant-midi maintenant! Bon. Voyons voir.
David pose ses lunettes de lecture sur le bout de son nez. Il examine la missive anonyme d’une certaine façon constate-t-il auparavant. Écrite au moyen d’un traitement de texte, sortie sur une imprimante de l’âge de pierre avec impact d’aiguilles de type Fujitsu en caractères majuscules courrier de dix points et à interlignage double, texte non aligné à droite, utilisation du gras pour souligner, pas de mise en page, pas de paragraphes, pas de coupure de mot, marges standard, pas d’accents, pas d’autres signes de ponctuation que le point. Pas de fautes flagrantes de syntaxe ou de grammaire se rend il compte aussi machinalement.
À l’énoncé du magot réclamé, David émet un sifflement.
Tu peux aligner 50 000 $ juste comme ça!
Hum… Quelques judicieux placements en bourse et les affaires roulent assez bien. C’est possible.
SALE TAPETTE DEGUEULASSE. NOUS AVONS VOMI EN REGARDANT ÇA. NOUS AVONS RI AUSSI EN TE RECONNAISSANT. LA BELLE AUBAINE. QUELLES TETES AURONT LES JUGES, TES ASSOCIES, TES ADVERSAIRES APRES AVOIR VU CE TORCHON. MECHANTE DESCENTE. NOUS TE LAISSONS IMAGINER. MAIS NOUS POUVONS NOUS MONTRER D UNE RARE GENTILLESSE. MEME ENVERS UN DEPRAVE COMME TOI. C EST SIMPLE TU NOUS AIDES FINANCIEREMENT ET SELON TES MOYENS. NOUS AVONS EVALUE TA SOLVABILITE. ET TU RECUPERES CE QUI POURRAIT CAUSER TA DECHEANCE PROFESSIONNELLE. ET PERSONNELLE PUISQUE TON PETIT AMI EN RECEVRAIT AUSSI COPIE. HONTE A TOI DE LE TROMPER AINSI. TON FILS AUSSI PEUT ETRE. NOUS CONNAISSONS SON ADRESSE A SHERBROOKE. COMME NOUS SAVONS QU IL A EU UN HORRIBLE POUPON AVEC SA NEGRESSE. SI TU VEUX PRESERVER LA SANTE DU NEGRILLON TU NE DIRAS RIEN A LA POLICE. NOTRE DEMANDE EST DES PLUS RAISONNABLE. $50000 EN PETITES COUPURES. BILLETS NON RELEVES ET NON MARQUES. POUR QUE TU RECUPERES CE BIEN PORNOGRAPHIQUE. L ECHEANCE. MARDI 9 H DU MATIN. TERMINUS VOYAGEUR. TU DEPOSES LE MAGOT CASIER 1000. MERCREDI 10 H DU SOIR. TU TROUVES UNE CLEF AU MEME ENDROIT. CELLE QUI TE MENERA A LA RECUPERATION DE LA BANDE ORIGINALE. AUCUNE COPIE N EN SERA FAITE. C EST NOTRE GARANTIE DE SATISFACTION. MAIS ATTENTION PAS D ENTOURLOUPE. SI L UN NE RENTRE PAS L AUTRE SE VENGERA TOT OU TARD. LE PAUVRE HANDICAPE DE LA COULEUR NE VIVRA PAS BIEN VIEUX. TOM & JERRY. |
Bon. Explique la genèse.
Armand narre succinctement et avec un embarras manifeste. David souligne le silence retrouvé d’un autre sifflement.
Ceci s’appelle un noeud gordien. Je ne vois aucune issue. Si je paie ils me rendront une copie. Mais mon petit-fils sera sauf… jusqu’à la prochaine demande. Retour à la case départ. Si je vais trouver la police officielle s’entend et qu’elle n’en rattrape qu’un mon petit-fils risque de mourir des mains de l’autre. Combien de temps et avec quelle efficacité pourra-t-elle le protéger? Si les deux sont pris ils pourront aussi se venger quand ils sortiront. Si je refuse de monnayer ils vont accentuer la pression d’une manière ou d’une autre car c’est dans leur intérêt pécuniaire. Là aussi ils pourraient s’attaquer à Émilien. David ma réputation et ma crédibilité déjà mise à mal par Vie privée d’ailleurs je m’en balance. Ma carrière itou. Que toute la population du monde me voit en train de copuler avec un homme je m’en contre-fiche. Mais que l’on ose s’en prendre à la chair de ma chair… Je… Quelle que soit ma décision et je dis cela au responsable de la section des homicides du SPCUM si un seul cheveu de la tête de mon petit-fils est touché je les tuerai. D’une façon ou d’une autre. Et cela prendra le temps nécessaire.
David dépose sa très lourde paluche sur l’épaule de son ami. Un détail le tarabuste. Ne sait pas encore quoi.
Bon. Mon conseil. Donne-moi jusqu’à lundi midi pour réfléchir. Et peut-être agir. Rien de risqué en soi. Réunis les 50 000 $. Au cas où. Ne fais rien d’autre. Attends que j’entre en contact avec toi… Et sois assuré que j’agirai au mieux en ce qui concerne la chair de ta chair.Armand reparti, il s’empare du téléphone. Enclenche des rouages. Se mord les lèvres. A une peur bleue de se tromper. Armand. Si cher à son coeur.
Salut c’est ton homme prodigue! … Armand? … Qu’est-ce qui se passe? … Tu es malade! Tu décolores plus blanc qu’un linceul!
Armand ne réagit pas. L’autre s’inquiète au plus haut point. Au bout d’un moment Armand lui indique la feuille sur la table basse une photocopie. Au fur et à mesure de sa lecture Émile blêmit.
On doit aller voir David!
C’est déjà fait.
Si tu…
Je sais. J’ai dû effectuer des centaines de fois le même raisonnement que tu t’apprêtes à faire. David m’a recommandé de réunir la somme.
Pierre Alban…
Inutile de l’inquiéter sur du vent.
Mais…
Est-ce qu’on a le choix?
… Pas vraiment.
Alors on doit faire black-out jusqu’à lundi midi. David me contactera à ce moment-là. Il m’a assuré qu’il ne tentera rien de risqué. Nous avons besoin de toute notre concentration sur le moment présent. D’accord?
Oui.
Alors si tu nous préparais du café? Tu le fais bien mieux que moi mon amour.
Traitre! Me prendre ainsi par les sentiments!
La flatterie te perdra maitre Corbeau.
Je ne peux pas!
Tu peux!
Je t’aime aussi pour cela. Un triple? Le chiffre porte chance…
Oui. Je te raconte mes frasques ou l’inverse?
Toi d’abord.
Que dirais-tu d’un quadruple scotch à la place? Et on le boit dans notre aire de prédilection…
Il n’est que dix-neuf heures.
On trouvera bien de quoi s’occuper ensuite…
Va pour ta recette.
Émile contemple éberlué sa nudité tachetée.
Nuit torride!
Nuit d’amour.
Raconte en détails hachés menus… J’aime les histoires salées!
Armand s’exécute tel que demandé.
C’est super! … Et ultra bandant!
Je peux constater de visu!
Et de manu?
Non attends. Je veux savoir d’abord. Pourquoi est-ce que tu ne réagis pas comme la quasi-totalité des conjoints quand ils comprennent que leur douce moitié fait preuve d’une rare infidélité et de plus s’apprête allègrement à récidiver? Moi j’apprends et je travaille très fort là-dessus. Et toi cela t’excite!
Je suis allé à dure école : celle d’Aglaé. Elle et moi sommes bessons hormis le sexe différent. De fait le phénomène se présente de façon rarissime : habituellement les homozygotes sont identiques en tous points. Ce lien gémellaire est d’une incroyable force. D’ailleurs les vrais jumeaux éprouvent souvent des problèmes d’identité personnelle. Pour nous de ce côté cela allait du fait de notre différenciation sexuée. Du moins je le croyais. La puberté venue j’ai commencé à regarder ma soeur d’un oeil autre. D’un tempérament curieux elle a répondu très favorablement à mes attouchements exploratoires nocturnes. Nous avons été pris d’une même frénésie à expérimenter avidement ces sensations nouvelles et délicieuses. Je l’ai déflorée à quinze ans. Ni l’un ni l’autre n’avions songé aux conséquences. Nous avons conçu… Elle a fait une fausse couche… Heureusement d’une certaine façon… Fabian n’a jamais rien su de nos rapports incestueux ni de son fruit mort-né… Et nous avons rattrapé notre retard en matière de contraception. Aglaé a été des plus durement éprouvée… Nous n’avons pas pu toutefois casser ce lien physique. Je l’avais et l’ai toujours dans la peau; elle aussi. Je n’avais pas allumé sur une chose. De la posséder sexuellement ne me donnait aucun droit sur elle, sur ses décisions, sur sa vie, sur sa sexualité. Quand elle m’a raconté un fantasme sexuel ayant pour cible un autre homme que moi j’ai gambergé… Et je l’ai frappée. Elle m’a rendu le coup au centuple. J’en ai eu pour plusieurs jours à marcher bizarrement. La patience même Aglaé. Pendant des semaines après l’avoir prise elle me racontait une nouvelle fantaisie dans tous les menus détails. Et les deux sexes et toutes les combinaisons y passaient. Elle s’est admise comme étant bisexuelle très facilement, sans réel problème sinon celui de concrétiser ses envies… Quand je la frappais elle me rendait coup pour coup. Quand je voulais la reprendre elle refusait. Je devenais fou littéralement. Et toute discussion s’avérait inutile : j’étais incapable de réfléchir puisque seules les émotions dominaient mon cerveau. Cela a fini par se calmer côté violence. Ne restaient que la souffrance et l’amour. Un soir elle m’a demandé de lui narrer une fantaisie sexuelle qui impliquerait une autre qu’elle. J’en ai été incapable. Le lendemain elle a réitéré sa demande. Ce qui a surgi dans mon esprit m’a dévasté. Je me suis mis à pleurer. Cela ne pouvait pas être moi qui faisais ça avec un homme… J’ai violé Aglaé ce soir-là. J’étais un mâle qui prenait sa femelle. Point. J’étais un homme normal. Elle s’est refusée ensuite durant nombre de jours. Et moi je culpabilisais. Toute cette violence en moi me dégoutait. Pour la première fois j’ai pris conscience que je devais dominer ces pulsions destructrices. C’était temps disons. Ceci étant clairement assimilé elle a repris le travail sur les fantasmes. Au début je sanglotais beaucoup et bandais un peu en même temps. Les proportions se sont inversées au fil des semaines. Bref j’ai fini par accepter que mon attirance pour des personnes de sexe identique faisait aussi partie de ma nature. La première fois que j’ai fait l’amour avec un homme il m’a fallu une bonne partie de la nuit pour le lui narrer. Ensuite elle m’a demandé de lui faire l’amour. Pour la première fois nous nous sommes aimés, totalement. J’avais compris finalement que posséder est à l’opposé de l’amour. Et ce lien qui s’est forgé entre nous, depuis lors est indestructible. Indépendant de la distance, du temps même et surtout des autres noeuds quels qu’ils soient qui peuvent naitre et se tisser.
… Ton histoire me bouleverse.
Je ne sais quoi te dire Armand. Depuis le début de notre vie commune je te déchire. Et cela me torture.
Non. J’ai compris vraiment. Et Émile je ne t’en aime que plus si c’est possible!
… Ton fils passe un mauvais quart d’heure émotif dans la même veine. Jolaine l’a interpellé dans son amour et sa virilité : elle a fait part à son mari qu’elle éprouvait une attirance certaine pour moi mais avec lui… Il a été envahi par les affres de la jalousie… Et moi ceux de la peur… Je n’ai jamais connu charnellement une autre femme que ma soeur… J’ai compris peu après que je devais mieux évaluer : je ne serais pas seul dans un lit avec une inconnue mais avec un homme que j’aime et une femme que j’aime aussi d’une certaine façon. Je lui ai fait savoir que mes limites et probablement celles de Jolaine seraient les siennes. Apparemment il est adepte des thérapies énergiques…
C’est de famille sans doute : il tient de moi…
… Je suis quand même plutot dérouté par ce qui a émergé de notre fusion : c’est tellement fort que j’ai presque l’impression de trahir Aglaé. Jolaine est une femme remarquable. Cela ébranle des certitudes.
C’est quoi, le problème? D’accepter que tu ne soit pas juste ou presque homosexuel?
… On dirait… Tout ce temps pour assimiler le fait et vivre en harmonie avec… Et sentir ainsi vaciller ses minces assurances…
Bienvenu au club! J’aime ta soeur aussi… Tu veux mon opinion d’homme de sagesse conjoint?
Dis toujours.
Qu’on ne doit pas mettre d’étiquette à l’amour. Qu’il est. Point.
On fait quoi maintenant pour tuer le temps : il n’est que vingt et une heures.
On dort? On baise? On sort? La télé ? Les mots croisés? La lecture? La musique? … On se querelle?
À propos de quoi? … Viens on prend un bain.
Émile s’assoit entre les jambes écartées de son amour, appuie le dos sur son torse, la tête sur son épaule. Armand croise les bras sur la poitrine de son bien-aimé.
T’ai-je déjà déclaré mon amour?
J’ai la mémoire courte soudainement. Je t’aime.
Je t’aime.
Un long moment silencieux passe.
Aie! C’est douloureux!
Quoi donc?
Là. Touche!
Quelle enflure! C’est survenu brusquement comme ça?
Oui… Non… J’ose avouer des pensées lubriques…
Lesquelles?
Anthony et toi au lit…
Et quoi en particulier ?
Tout. Ce que tu lui fais, ce qu’il te fait, ce que vous faites.
Raconte ce que tu imagines.
Pendant que le conteur détaille ce que l’auditeur se promet de mettre en pratique la prochaine fois avec son amant, il le masturbe. C’est bon. Armand colle sa verge dressée au bas du dos de son homme. Émile la sent si dure pressée contre lui. Il s’y empale. Ça fait mal. S’interrompt à peine, juste le temps que la douleur s’estompe. En harmonie, ils cessent tout mouvement. Enserrent seulement, fort. La voix devient rauque. Lorsqu’elle se tait les sèves du corps jaillissent de leurs organes vibrants.
L’eau devenue froide les incommode. Ils ne veulent pourtant pas se désunir mais prolonger l’étreinte. S’assèchent pourtant. Dans leur lit reprennent leur enlacement. Leur unique certitude c’est l’amour qu’ils partagent. Jamais ils n’en ont eu conscience aussi aiguë.
Le matin gris. Six heures seulement. Armand s’active. Récure la salle d’eau : pas encore trouvé de personne de ménage malgré de nombreuses entrevues. Trop difficile peut-être? Lorsque tout brille, il passe l’aspirateur. Ce qui réveille son conjoint lequel se pointe le nez. Comprend. Retourne se coucher. L’autre travaille du chiffon ensuite. Ne trouve rien à faire reluire dans la cuisine propre de l’avant-veille.
Sept heures trente seulement. Apprête un petit déjeuner gigantesque. Pour duo d’amoureux. Le conjoint surgit dès que l’odeur du bacon a atteint ses narines ultra-sensibles. Armand s’incline.
Le repas est servi maitre.
Approbateur icelui déguste en compagnie du serviteur incongrument en robe de chambre. Se félicite tout haut d’avoir si bien dressé son valet de service malgré l’impair.
Tout compte fait on pourra économiser sur le ménage également : cela brillait dans mon sillage.
Tu ne tiens aucun compte des leçons de l’histoire… La révolte des esclaves…
Mais je te traite admirablement : nourri, logé, aimé. Tu n’as aucun motif pour te révolter!
Justement je n’en ai pas besoin de raison!
Tu veux qu’on se chicane sans grief ?
Non.
Je m’occupe de desservir pendant que tu t’apprêtes.
Voilà qui est mieux !
Émile se lève, contourne la chaise, noue les bras autour du cou et plante un baiser sur le crane dégarni. Armand appuie la tête sur son ventre. L’amour épaule parfois.
Armand rentre vers onze heures. Un sac sport à la main. Pesant.
David?
Pas encore.
Ils s’assoient côte à côte. Attendent. Trente longues minutes.
Allo!
Bonjour mon ami… Que dirais-tu d’un diner en tête à tête juste toi et moi… Trouve un prétexte…
Hein!?
À notre petit restaurant habituel… Je t’attends dans une demi-heure… Euh… Mille baisers!
… D’accord… mon chéri… Je t’embrasse aussi…
Franchement t’aurais pu beurrer moins épais : « Mille baisers »!
Quoi? Ce n’est pas la manière? Moi qui croyais…
Laisse faire! Alors?
Cela aurait été fort imprudent de se rencontrer chez vous au grand jour. Je ne crois pas votre ligne surveillée mais on n’est jamais trop prudents…
On aurait pu me suivre, te reconnaitre!
Nous nous sommes assurés que tu n’étais pas filé. Pour qui me prends-tu?
Pardonne-moi.
Bon. Tu as réuni le précieux magot?
Émile fait office de gardien de la Brink’s.
Bon. Je vais être franc : l’opération comporte un certain risque. Minime mais il existe.
… Explique… j’en jugerai.
Ce matin très tot une équipe spéciale d’entretien s’est affairée au récurage de tous les casiers le grand ménage quoi. Plausible. Une très minuscule caméra à grand angle quasiment indétectable a été dissimulée dans le numéro 1000. Quelques autres ont été placées un peu partout de manière à couvrir le champ qui nous importe.
Le but de la chose?
Savoir qui seulement. Rien d’autre. Aucune arrestation. On enquête discrètement sur la personne. On surveille tout aussi subrepticement. C’est tout.
Je n’y comprends goutte.
Ce sont des criminels. Qui n’en sont sans doute pas à leur premier coup et surement pas à leur dernier. On va les coincer un jour ou l’autre mais pour autre chose soit un délit assez grave pour les mettre à l’ombre de longues années au mieux. Nous devons faire preuve de patience. Et c’est le seul moyen pour qu’ils n’exercent pas de vengeance.
… Bon. J’oserais avancer que c’est brillant.
N’est-ce pas? On dine maintenant?
Bien sur mon chéri!
Armand! En public! Voyons!
Des têtes se tournent. David salue la ronde. Explique.
Que voulez-vous, il m’aime tellement !
David!
La serveuse se pointe à leur table et dévisage son imposant client habituel. Elle sourit largement finalement.
Spaghettis alla bolognese… pour duo?
Pour trio : j’ai faim. L’amour met en appétit!
Elle s’esclaffe. Armand transperce son ami d’un rayon ténébreux. Finit par faire chorus à son hilarité communicative. Beaucoup de sourires parmi la clientèle habituelle style gens d’affaires épinglés et coincés. Ils ont besoin de lâcher un peu la soupape trouve David. Aime bien ce genre de bénévolat. Avant de se consacrer religieusement à son péché capital favori.
À l’heure dite Armand se déleste du sac sport devant le casier 1000. Perplexe il contemple la serrure. Verrouillée. Indécis il stationne.
… Monsieur… Excusez-moi!
Ah oui je vous en prie!
Il s’efface pour laisser passer la dame âgée. Laquelle retire un paquet de l’endroit. Puis se retourne et l’interpelle vertement.
Qu’est-ce que vous avez à me dévisager?
Euh… rien pardonnez-mo!
La vieille femme s’éloigne à pas compassés en marmonnant. Lorsqu’il ouvre la portière son attention est attirée par une feuille de papier. Il lit.
CHANGEMENT DE PROGRAMME LA TAPETTE. LE MAGOT VA AU CASIER 2000. BARRE LE TOUT. PLACE LA CLEF DANS LE 2010. ELOIGNE TOI ENSUITE. PAS D ENTOURLOUPES. TU SERAS SURVEILLE. PENSE FORT A TON NEGRICHON. TOM & JERRY. |
Armand empoche les instructions. Referme. Fait un panoramique des alentours. Personne. Le casier 2000 se trouve pratiquement à des centaines de pieds… Il exécute les ordres.
Armand s’affale sur la chaise en face de lui. L’autre continue à s’empiffrer, reste imperturbable. Termine puis émet un borborygme sonore. Des têtes se lèvent. Il s’excuse. Elles reprennent leur position initiale.
L’on ne se donne pas la peine de saluer « son chéri » maintenant! L’habitude indécrottable déjà?
C’est fichu.
Mais rien n’est fichu mon amour! (À la ronde : pardonnez petit différent amoureux…)
On en a un dans le collimateur…
Quoi?
Chut tu vas nous faire remarquer!
Quoi?
C’est mieux. Vraiment Armand ton manque de confiance me peine! (Pour la galerie : il est jaloux…)
David!
La vieille… Un de nos hommes l’a reconnue malgré le déguisement…
Un de vos hommes!
… Au cas où.
C’est de la dissimulation!
Vraiment mon amour! Arrête ta crise : on nous regarde… Au moins nous savons qui… Opération réussie.
David je t’aime!
Voyons Armand ne soyons pas trop intimes en public mon chéri! Pas de déclaration intempestive! (Au public en aparté : c’est l’amour que voulez-vous!). Tant qu’y a rien de sexuel vas-y fait!
La serveuse surgit et débarrasse.
Un café… les amoureux?
Un duo d’espressos ma reine.
Vous êtes impossible!
Marie-Reine s’éloigne en souriant. Monsieur David. Quel homme! Malgré sa « particularité ». Dommage!
Le cellulaire. Armand grimace : il déteste ça! David raccroche après cinq minutes.
On les a tous les deux… Tu veux savoir le plus drôle?
Vas-y assène.
Ce sont des tapettes!
Comme nous!
Armand vraiment! C’est indécent de s’afficher ainsi!
…Tout a fait d’accord. Explique.
Des truands à la moyenne semaine. Vivent et travaillent ensemble. Vols, chantage, ce genre de créneau. Cela faisait un an qu’ils se tenaient à carreaux à ce que nous présumons. Depuis leur dernier séjour aux frais de l’État. Faut croire que cela les démangeait…
Je me sens soulagé…
La partie est loin d’être gagnée…
Des têtes se lèvent.
Mais nous n’avons rien dit d’intime depuis un bon bout de temps!
Justement cela les intrigue… On essaie d’être discrets!
Quelques rires vite étouffés : on est polis quand même!
Bon. Je rentre.
Ne me quitte pas!
Tu le mériterais!
Pardonne!
D’accord.
Il a dit oui!
Le premier se tient les côtes tellement il a mal. Son fou rire communicatif se communique de fait : on applaudit! Le second vire au coquelicot et s’esquive.
Marie-Reine termine le service.
Félicitations.
Mais pour quoi ma reine?
Euh… Pour rien. Bonne journée monsieur David… Revenez nous voir plus souvent on adore!
Ah si j’étais plus jeune!
Vous êtes impossible!
… C’est ma jumelle, mon amante et ta maitresse.
Qu’est-ce qu’elle veut?
… Sa fiancée lui « donne congé pour un certain nombre d’heures », s’enquiert si elle serait bien accueillie des hommes…
Quel progrès! Sa Grâce le sera toujours mais à ses risques et périls…
… Elle demande ce que cela implique…
Compte tenu que nous sommes d’humeur compressée elle met gravement en danger sa vertu…
… N’a rien contre servir d’exutoire… La fiancée exige qu’on la lui rende intacte de peau toutefois…
Pas de promesse… Mais qu’elle accoure!
… C’est comme si elle y était déjà.
Accueillie en déesse. Dévêtue en femme. Fourrée et sodomisée en femelle par ses mâles en rut. Les sexes en amour conjuguent et exultent. Maintes fois. L’amour libère parfois. Ce n’est qu’ensuite qu’ils et elle peuvent raconter. L’amour s’épanche parfois.
Lorsqu’Aglaé rentre en son foyer, pas trop amochée, l’aube pointe. La fiancée dort profondément. Elle prend un bain volupté. S’assèche. Se glisse entre les draps. Dans son sommeil Ella ressent sa présence, passe un bras en arc possessif par dessus sa taille. L’amour rassure parfois.
La journée s’éternise. Pressentiment et appréhension. Vingt-deux heures. La bande vidéo se trouve dans le casier 1000. Sitôt rentré Armand la passe. Vide. Enragé il la fait valdinguer au loin. Il s’y attendait pourtant. On ne tue pas la vache laitière. Au lait tari puisqu’il ne pourra pas réunir une autre rançon d’une telle envergure avant longtemps. Émilien.
Trois mois passent. Moroses. David téléphone. L’invite à diner. Attitude neutre cette fois.
Salut David.
Ciel t’es gris!
Peut-être. Ce n’est pas important.
Tu dois te sustenter… Tu as maigri c’est terrible! Et j’ai là de quoi te redonner de la couleur…
Il dépose la bande vidéo devant lui.
Cadeau à un ami.
Armand ne réagit pas. Veut savoir avant. David confirme.
Ils sont écroués pour d’autres délits. Aucune vengeance ne sera exercée. La chair de ta chair n’est plus menacée.Armand émet un bref soupir de soulagement. N’arrive pas à comprendre vraiment trop longtemps obnubilé par la terrible épée de Damoclès. David devine, s’en émeut. Le mieux c’est de narrer afin de lui donner le temps d’assimiler.
Il fait signe à Marie-Reine : deux espressos très forts.
Merci ma reine. Vous êtes un ange en plus.
Pour vous servir… Il est malade votre… ami?
En convalescence… Une petite thérapie et cela ne paraitra plus. Transformation spectaculaire en moins d’un quart d’heure : ma recette secrète!
Vous êtes impossible!
Elle s’éclipse tout sourire. Sans monsieur David cela ferait longtemps qu’elle aurait quitté cet endroit pour un meilleur. Dommage que… Et pourtant un doute la tarabuste depuis un bon moment. Au delà des apparences. Elle apporte les cafés. Se retire discrètement.
Ce sont leurs véritables prénoms mais en diminutifs : Thomas Cooper et Gerald McIntyre. Le premier est travesti en sus. Avec tes 50 000 $ ils ont mené grand train pendant un long bout de temps. Ils ont flambé le reste au Casino. Salon VIP et tutti quanti. La fréquentation de ce haut lieu leur a fait connaitre quelques riches hurluberlus assidus. Leur pigeon : un antiquaire multimillionnaire joueur compulsif et très homosexuel. Les deux ont du charme et savent jouer de l’esbroufe. Plusieurs partouzes en trio et bien arrosées agrémentées de quelques lignes. Le soir où leur oiseau a gagné la cagnotte (200 000 $) ils sont rentrés à la maison de monsieur laquelle vaut deux millions au bas mot très bien déterminés à fêter. Après des rapports… de nature charnelle ils l’abandonnent ronflant. Ouvrir un coffre-fort n’est qu’un jeu pour Jerry. Tom surveille. Pas assez bien. Le presque spolié se réveille trop tôt. Flambant nu il pointe un revolver sous leur nez. Apeuré et peu habitué au maniement des armes et à ce genre de confrontation il ne trouve d’autre moyen, pour tromper l’attente des policiers préalablement mandés que de les obliger à la pointe du pistolet, à… copuler. Il ont été pris les culottes baissées en quelque sorte…
Mais…
Laisse-moi finir! La beauté de la chose c’est qu’on a retrouvé à leur domicile en sus de mon cadeau un beau gros kilo de cocaïne pure…
Armand émet un juron indigne de son excellente éducation.
Ce qu’il fallait démontrer. L’affaire est close en ce qui te concerne. Tu peux aller en paix. Et Émilien aussi.
David, je ne sais que te dire… Ton aide a été tellement étendue! Je ne trouve aucun mot pour exprimer la reconnaissance que je veux te communiquer.
Merci peut-être?
Oui un merci aussi énorme que toi!
Ça sert à quoi un ami?
Armand prend congé.
Marie-Reine s’approche irrésistiblement.
Vous semblez triste monsieur David.
… On dirait mais sans réel problème pourtant… Je ne sais pas pourquoi… ce sentiment de mélancolie est si soudain.
Une intuition fulgurante. Spontanément elle l’exprime.
Parce que votre ami n’est pas seul lui?
Il la considère, éberlué. Marie-Reine cramoisit. Se sent mal tout d’un coup. Bredouille des excuses : ignore pourquoi elle a proféré une telle énormité. Détale en catastrophe.
Songeur, vouté David regagne son aire. Si vide tout d’un coup. Marie-Reine a tellement bien compris ce qu’il ressent. Et apparemment a nuancé sur l’amant hypothétique. Drôle de personne. Si intuitive. Si gentille. Son coeur se gonfle puis menace de briser sa cage thoracique. L’évidence qu’il escamote depuis quasiment toujours l’atteint en pleine figure. Être asexué et obèse ne signifient pas être incapable d’aimer… D’aussi loin qu’il se souvienne jamais avant ce jour il n’avait pleuré. Non. Le responsable de la section des homicides du service de police de la communauté urbaine de Montréal le lieutenant-détective David Ben Simon ne doit pas flancher! C’est pourtant en larmes qu’il finit par s’endormir.
Au salon ils sirotent un cognac en robes de chambre. Encore sonné Armand raconte.
Il est d’une habileté consommée ton ami David !
Plus que tu ne sembles le penser…
… Ah oui j’aurais dû y songer avant! Je baisse! Il a posé nombre de gestes illégaux mettant en jeu sa carrière même!
Je commençais à craindre que tu aies besoin de recyclage…
Peut-être, tout compte fait…
Léger disons…
Émile te rends-tu compte de ton influence?
Que veux-tu dire et pourquoi amènes-tu cela?
À ton contact mon amour je mute intrinsèquement. Tu m’interpelles dans ce qu’un homme contrôle le plus difficilement : les sentiments et les émotions. D’une certaine façon j’en redemande… Je ne pourrais plus revenir en arrière. Je ne le souhaite pas d’ailleurs. Avec toi je vis.
… Mais je ne vois toujours pas où tu veux en venir.
David… Au fil des années il s’est forgé une solide et large carapace sous couvert professionnel et un mur en béton armé côté personnel. Durant les derniers vingt ans nous avions des relations qui s’apparentaient au mieux à des rapports amicaux fondés sur le respect mutuel. Ceci jusqu’à ta mise sous écrou moment où il a appris… à quel endroit je préférais mettre ma queue…
Toujours la bienvenue sans vouloir t’interrompre…
… C’est fait… Et j’ai pris note de ton assertion…
Faudra voir… Continue.
… Quand je suis allé le rencontrer peu de temps après et pour me mettre à l’aise il a lâché une confidence compensatoire laquelle a eu pour effet de renforcer ce lien…
Mais de forer un trou béant dans son armure.
Oui. Laisse faire la mise à niveau.
D’une certaine façon tu te sens coupable d’avoir provoqué la fuite?
Plutot… Je l’ai senti très vulnérable soudain…
Faudra bien que tu vives avec ça aussi… Armand, j’ai un aveu à te faire…
Vas-y assène.
Ma chair est faible mais je souffre également de voyeurisme…
Faut croire que je fais pendant pour l’exhibitionnisme… Mais je la détruis après.
Tu appuies sur Play?
Ils regardent assis l’un contre l’autre. Très pornographique. Les stars prennent leur pied indéniablement. Armand se remémore ces instants torrides en y ajoutant les sensations qu’il avait éprouvées alors et peu de temps auparavant lesquelles se répercutent au sexe maintenant. Sa main enserre la hampe durcie. S’aperçoit qu’Émile aussi se masturbe au même rythme. Se rendent compte qu’ainsi aussi ils font l’amour. Ils s’abandonnent à tous leurs sens. La bande vidéo terminée ils s’enlacent ventre à ventre mélangent leur sperme encore chaud.
Je t’appartiens corps, coeur et âme Armand.
Je me donne à toi, corps, coeur et âme Émile.
Monsieur David! Deux jours en ligne! On est gâtés!
Il sourit à l’accueil et l’exprime tout de go.
Cela change d’être bienvenu quelque part…
Vous faites un bien terrible métier…
Cela dépend des jours…
Il installe son large postérieur sur la trop minuscule chaise. Mais le rituel dérape : l’objet se fendille. Étonnamment vif malgré son poids il réussit à rétablir souplement son équilibre… et à sauvegarder sa dignité. Sans mot dire Marie-Reine lui en apporte deux qu’elle place l’une à côté de l’autre.
Brillant j’aurais dû y penser!
Le rire de Marie-Reine est si musical.
Je devrais peut-être me mettre au régime… quelques livres en moins pour éviter la disgrâce…
Votre vivacité vous sauve… Et votre tour de taille impose mais n’est pas en cause! Mon Dieu monsieur David… je vous demande pardon… Je ne sais plus ce que je dis!
Décontenancé David scrute le regard gris qui soutient le sien. Ce qu’il y lit le terrorise de prime abord. Un besoin irrépressible de fuite le saisit. Qu’il jugule. Affronter ces beaux yeux clairs c’est ce qu’il a accompli de plus difficile dans toute sa vie. À son corps dépendant il s’entend prononcer.
Je ne peux pas vous aimer…
Votre regard dit le contraire mais vous souffrez.
Pas comme un homme aime une femme…
Ne réduisez l’amour à une unique dimension alors qu’il est multiple… Je vous aime David même sachant cela.
Marie-Reine… Je ne sais que vous dire, que faire!
M’inviter à diner samedi soir peut-être?
Où, quand, comment?
Un bistro à la cuisine délectable. Bière, Bouffe et Compagnie à dix-neuf heures. Je vous y attendrai ou l’inverse.
Elle lui donne l’adresse.
Si aucune urgence ne me requiert… j’y serai comme deux!
Marie-Reine égrène un rire. Douce musique.
Qu’est-ce que je vous sers? … On va jaser…
Ce que vous voulez… ou plutôt du café… et un sandwich léger… enfin pas trop… avec une salade du chef… et… euh… quelques frites… Enfin, une portion… double…
Marie-Reine a du mal à retenir son fou rire. Lui aussi.
Simple suffira : le cuisinier est généreux.
Tout ce que vous souhaitez ma reine.
Attention que je ne demande l’impossible!
Vous l’avez déjà!
Ah oui? J’en ai l’impression!
Elle s’éloigne, rieuse, délicieuse.
Je crois que nous avons fait le tour de la question madame Avelar du moins en ce qui concerne le travail. Tout est clair sous cet aspect.
Blanca, Monsieur Émile.
D’accord Blanca… Je dois toutefois vous révéler que… notre couple…
Est d’un genre « particulier »… Je sais : je feuillette Vie privée…
… Enfin, si cette situation ne vous offusque pas soyez la bienvenue.
Je ne vois aucun problème monsieur Émile.
De fait je dois ajouter que mon conjoint est… un peu maniaque,côté ménage… et pas toujours… affable…
Je ne vois aucun problème monsieur Émile.
Quand pouvez-vous commencer?
Lundi à huit heures?
Parfait. Vous êtes la bienvenue Blanca.
J’ai trouvé une personne pour le ménage…
Déjà!
C’était temps que je m’en occupe! Tu as rencontré dix gentes dames et n’en as retenu aucune! Il y a de quoi fuir avec ta façon de passer des entrevues! Enfin je l’ai prévenue de la particularité de notre couple… Sur cela pas de problème… Ainsi que sur le naturel peu affable de mon conjoint…
Comment ça?
Sur cela pas de problème non plus.
Mais je m’améliore!
C’est vrai.
Bon. Voilà qui est mieux.
Blanca commence lundi matin à huit heures.
Au moins c’est une femme!
Tu es incurable.
Tu trouves? … Hors propos nous allons avoir de nouveaux voisins.
Tant mieux. On ne peut pas avoir pire!
Tu parles. En tout cas la pancarte « à vendre » précise « vendu »… Pour le reste on verra… Quoique j’espère que…
Je sais!
Désolé je n’ai pas pu me libérer avant.
Des problèmes?
Ciel faites-moi oublier! … Une petite fille… Si Dieu existait il ne permettrait pas que de telles horreurs soient perpétrées! Pardonnez-moi je m’oublie.
De ses deux mains, elle enserre la sienne. Les beaux yeux plongent dans les siens, apaisent la douleur qui l’assaille, efface la vision horrible. Il doit se détendre, récupérer puisque d’autres ont pris la relève jusqu’à demain matin.
Vous avez raison.
Je n’ai rien dit!
Mais c’est tout comme sauf les mots.
Le serveur s’approche du couple.
Choisissez pour moi ma reine.
Elle commande bière de microbrasserie et steak frites pour lui, verre de vin, poitrine de poulet grillée et salade pour elle.
Les boissons sont apportées.
Nom, âge…
Bernier… Et vous êtes un malotru de vous enquérir de mon âge!
C’est mon style!
Voire! La cinquantaine presque sonnée… Et vous?
C’est moi qui pose les questions… quarante-sept années bien teintées… Je veux tout savoir de vous.
Moi aussi!
On verra plus tard… quand on aura le temps… Pour l’heure…
Nous allons nous sustenter.
Le service est rapide mais les mets sont délices et les assiettes copieuses. Ils s’adonnent à leur gourmandise jusqu’à la dernière miette. Leur plaisir décuplé du fait qu’ils sont ensemble. Du café bien corsé servi dans des tasses grand format complète leur excellent repas en si merveilleuse compagnie.
Quand vous me regardez ainsi je me sens aussi démuni qu’un nouveau-né.
David cela me fait peur de vous aimer… Non ce n’est pas ce que vous pensez! … Une seule fois auparavant j’ai cru en l’amour… Mon corps, mon coeur, mon âme portent des cicatrices indélébiles d’un quart de siècle de son contraire…
Presque toute ma vie je me suis employé à dresser une forteresse inexpugnable aux sentiments… Et vous la fracassez d’un regard… Non c’est partiellement faux… J’ai compris avec Armand ce qu’est l’amitié… Et peut-être est-ce là la brèche qui a fait que j’ai pu rencontrer le clair gris de vos yeux.
Quand les vôtres se posent sur moi j’ai l’impression d’avoir la demie de mon âge et la beauté de la jeunesse. Et sa spontanéité.
Et moi de sortir d’un long tunnel opaque à l’intérieur duquel j’étais enfermé depuis des lustres… Et j’ai peur.
Moi aussi.
Pourriez-vous revenir en arrière?
Non.
Moi non plus… Je
Vous aime.
C’est ce que j’allais déclarer.
J’avais deviné… Un autre café?
Oui. Je ne veux pas vous quitter.
Moi non plus… Je ne parle pas de ce soir.
Je sais… Et je ne répondais pas pour maintenant.
… Marie-Reine… Si j’étais un homme… à part entière… je vous demanderais de partager ma vie… Mais…
Mais vous êtes un homme! Et je le ressens des cheveux jusqu’aux orteils!
Marie ma reine… vous ne comprenez pas!
Mais j’ai très bien saisi! Mais puisque je dois mettre les points sur les i… (Elle rougit)… Vous parlez comme si vous n’aviez pas de corps pour ressentir, pas de langue, pas de mains pour caresser et combler, comme si vous étiez incapable de tendresse pour remplacer le désir, comme si faire l’amour à sa femme se réduisait aux quelques minutes d’un accouplement animal! Oh! Pardonnez-moi…
C’est raide… Mais vous avez raison… J’ai vécu toute ma vie obnubilé par cette impuissance… Et je suis totalement ignare… Et obèse en plus.
J’ai faim de vous toucher David. Ce corps que vous dénigrez j’en aime et désire chaque méandre… et ma foi… le temps que cela me prendra pour le parcourir ne me permettra que de communiquer avec vous tendrement… et un peu plus que doublement…
David vire au coquelicot. Marie-Reine à l’écarlate.Marie-Reine… Rentrons-nous?
Oui.
Il se plante devant elle les bras ballants… et le regard suppliant.
Qu’est-ce que je suis censé faire?
Me prendre dans vos bras et m’embrasser.
Il fait. Dépose un baiser sur ses lèvres. Des bras autour de son cou le retiennent. Elle insinue la langue dans sa bouche. Il recueille. Et prend aussi. L’enserre plus fort.
Un peu plus et je meurs d’étouffement!
Pardonnez-moi… Vous me bouleversez Marie-Reine.
Son sourire, ses joues rosées, répondent. Son regard fiévreux l’invite à poursuivre. Un immense besoin de la caresser, de la serrer contre lui, de sentir ses mains à elle sur son corps… nu à lui. Et l’inverse. L’envie irrépressible vainc pudeur et timidité. Par la taille il la guide jusqu’à sa chambre.
Ils s’étendent face à face, très proches. Unis par les yeux. Un à un elle défait les boutons de sa chemise. Ses doigts parcourent le torse. Chaque effleurement le fait frémir. Il défait le chemisier, elle détache son soutien-gorge libérant des seins magnifiques. Les pointes s’érigent sous ses affleurements. Ils se redressent. Se débarrassent de ce qui gêne le contact de leurs poitrines. Peau à peau. Sensations indescriptibles. Il comprend, pour la première fois, que le désir, le plaisir ne sont pas juste reliés à une zone bien localisée mais irradient dans tout le corps. Sans qu’il le réalise vraiment elle dénoue la ceinture et défait la braguette. Elle englobe de sa paume son pénis atrophié et ses testicules. La panique reflue sous les attouchements tendres.
Il et elle se départissent de ce qui reste de leur pruderie et de leurs vêtements. Ils se nouent. Elle s’écarte un peu, se déplace sur le dos, s’empare d’une main et la pose sur sa vulve. Le va-et-vient de son index sur un organe minuscule provoque un raz-de-marée. Il observe envouté ses mamelons se durcir, sa peau se marbrer de plaques rosées, ses narines se dilater.
Elle réclame impérativement.
Pénètre en moi.
Son index-majeur-pénis à l’intérieur d’elle. Qu’elle enserre en fourreau. Son pouce heurte le clitoris à chaque itération. Puis, s’inspirant de ce qu’il a vu sur la bande vidéo (simple curiosité professionnelle s’était-il justifié) le reste de ses doigts investit l’autre endroit. Surprise d’abord elle accepte la double pénétration. Soudainement elle empêche sa main de récidiver en la plaquant contre elle. Il ressent dans toutes ses fibres les secousses orgasmiques qui la saisissent toute entière. Elle crie son paroxysme. Tremblante elle se blottit contre lui.
Votre corps est magnifique, ma reine.
Le vôtre impressionne. J’aime vous toucher. J’aime votre odeur mâle. J’aime me sentir toute menue lovée contre vous.
Vous faire l’amour Marie-Reine, c’est le plaisir le plus immense que j’aie jamais connu. Et je n’aurai pas assez du reste de ma vie pour m’en rassasier.
David.
Vous avez précipité les choses pour dédramatiser et parce que c’était l’unique moyen pour que je saisisse quelques principes de base n’est-ce pas?
… Je l’avoue…
J’aime votre esprit d’initiative. Mais un peu hasardeux non?
Aucunement… J’avais l’intime conviction que vous sauriez me rendre heureuse sur ce plan… Et j’ai voulu vous communiquer par le biais de mon corps ce que mon coeur et mon âme ressentent pour vous. Au début vous n’étiez pour moi qu’un client parmi les autres juste plus coloré et plus vaste. Intriguant surtout. J’avoue aussi vous avoir un peu espionné…
Et vous avez été prise dans mes rets…
Inextricablement. Votre coeur est plus ample que votre silhouette. La chaleur humaine qui émane de vous contamine. Et j’ai compris votre solitude. Un écho à la mienne.
Tel est pris…
David maintenant que vous avez compris ces « quelques principes de base » j’aimerais savoir si votre proposition tient toujours.
Voulez-vous partager ma vie ?
Oui.
Dès à présent n’est-ce pas?
Pourquoi attendre : on a tellement de découvertes à faire!
Oui. Mais demain matin : je tombe de sommeil.
Moi aussi.
Elle s’endort entre ses bras. Il la regarde dormir longtemps. Marie-Reine. Pour la première fois de sa vie il se sent profondément heureux. Son handicap régentait son existence, en quelque sorte. Le règne de Marie la reine changerait cela en profondeur. L’amour. Il rêve d’elle et de lui plus svelte et qui la possède comme un homme prend une femme et en jouit. L’orgasme est dans sa tête mais qu’importe, au fond. De douces caresses le réveille. Des yeux rieurs tout près des siens.
Je vous aime Marie-Reine ma femme.
Je vous aime David mon homme.
Il effleure sa poitrine. Les pointes se dressent sous le toucher. Sa langue remplace puis se déplace vers la source de son plaisir. Elle se cambre et crie. David. Bouleversé son corps fait écho à sa jouissance. Oui. Le plaisir est dans sa tête. Mais c’est la même chose.
Hé hé!
Qu’est-ce qui te réjouit ainsi ?
J’ai appris que nous aurons des voisines… très lesbiennes d’après Jorges… Et une bonne surprise pour nous.
Tu fraies avec les concierges maintenant? Mais trêve Jorges est la gentillesse même. Te voilà rassuré sous tous rapports donc…
Hé hé!
Apparemment, Jorges ne te raconte pas tout…
C’est la « bonne surprise » probablement. Il doit se gausser!
Qu’est-ce que vous faites là les bras ballants? Aidez-nous !
Ils s’empressent et aident.
Attention empotés! C’est fragile!
Pourquoi ne pas avoir recouru aux services de déménageurs professionnels!
C’est ce que nous avons fait! Ce qui reste est aisément cassable! At-ten-tion!
Émile au secours! Retiens-moi!
Pris de fou rire, ils croulent par terre tous les quatre sous les yeux ébahis d’Adam qui échange avec Isabelle un regard entendu. Vraiment les adultes quel manque de sérieux!
Pour une surprise ça en est une de taille!
Voyez-vous des inconvénients à notre proximité?
Gabriella vous êtes stupéfiante!
Disons que je travaille fort… et qu’elle en vaut la peine! … Armand, Émile je voudrais que notre voisinage soit sans préjudice et sans restriction aucune…
Comme la famille que nous formons?
Oui.
Bonjour Blanca!
Bonjour monsieur Émile!
… Mais on est mardi!
Je ne vais pas chez vous mais chez madame Aglaé. Les vendredis aussi.
Alors bonne journée Blanca!
Portez-vous bien monsieur Émile.
Notre personne de ménage travaille aussi chez nos voisines!
Je sais : Gabriella me l’a appris.
En tout cas, elle est servie en couples « gais »!
Gabriella a précisé que Blanca leur apportait une plus grande harmonie dans leurs relations maintenant que les contingences domestiques n’entrent plus dans leurs préoccupations…
Disons que j’aurais amené cela plus simplement mais c’en va de même pour nous. J’ai laissé une clef de notre nid à ma jumelle, mon amante et ta maitresse. En précisant : accès inconditionnel sauf lorsqu’on a de la visite, la semaine prochaine par ailleurs.
Je te fais grâce des pensées lubriques qui m’assaillent pour le premier cas de figure s’entend.
Je veux savoir!
Peut-être… si je suis satisfait de tes services…
C’est un odieux chantage! Lesquels?
Armand précise. Émile entame. Se prend au jeu. Sans coup férir ils sont nus. Armand se laisse tomber sur canapé. Émile s’agenouille et rend hommage à la fière virilité tel que demandé. Le regard d’Armand caresse le dos puis la croupe. Émile le ressent comme des frissons légers. Qui excitent. Sa verge durcit à faire mal. Il s’en saisit. Ses gestes sont instinctifs et s’accordent au rythme de sa bouche sur l’autre.
Prennent conscience de la présence de la déesse. Très voyeuse et très allumée de leurs ébats très sexuels. D’être ainsi scrutés par la Grâce précipite leur paroxysme. Puis jupe troussée et dessous enlevés ils réparent consciencieusement avec leurs langues les dégâts causés à sa libido exacerbée. « C’est ce à quoi je faisais allusion » chuchote Armand à l’oreille d’Émile qui lui murmure : « Je m’en doutais. Moi aussi… »